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SUR LA ROUTE DU JAZZ/ WILLIS JACKSON (1928-1987)

L’histoire du Jazz a été marquée par de magnifiques saxophonistes de la période Swing. Coleman Hawkins, Ben Webster, Lester Young, trois grands ténors qui ont transformé l’improvisation et influencé le génie Charlie Parker ou encore Stan Getz.
Je vous parle d’un saxophoniste qui savait jouer le Be-Bop, mais était moins connu que tous ces musiciens cités précédemment. Il a apporté sa touche au Hard Bop par ses accents de Soul.
Très jeune à l’âge de seize ans, il rejoint le groupe du trompettiste de Jazz et de Blues Cootie Williams.
Pour vous parler de Willis Jackson, je m’aide en partie du magnifique coffret réunissant huit albums gravés chez le label Prestige. Je tente de vous décrire selon les compositions, les climats les références et les particularités.
C’est avec ce grand musicien qu’un certain Pat Martino a commencé.
Sa musique respire le Blues, la Soul l’orgue Hammond est présente dans sa musique. Jack Mcduff joua sur certaines sessions.
Sur “Please Mr Jackson”, le swing y est chaleureux et le drive moelleux. Le guitariste joue de belles croches, le sax crépite comme la charlet. Le son puissant du ténor est amplifié par un effet de reverb assez prononcé.
On entend un saxophoniste qui a de la technique, mais qui ne la met pas en avant. Les structures des morceaux sont souvent des Blues, une esthétique que l’on retrouve souvent dans les morceaux de Soul Jazz.
Le saxophoniste jouait les ballades mais pouvait aussi jouer sur des tempo plus rapides. Ecoutez “The Man I Love” signé George Gershwin, qu’il reprend sur “The Cool Gator”. Le thème commence en ballade et devient up swing. Dans le solo, Willis incorpore des chromatismes qui donnent une allure Be-Bop.
Sur l’album “Blue Gator” en 1960, vous apprécierez son souffle sur “Try A Little Tenderness” tel une caresse sonore. Après une ballade, le saxophoniste aime revenir au Blues. Sur “Gator’s Tail”, le son n’a rien à voir avec la douceur précédente au contraire, il est puissant même rugueux. Les virages chromatiques sont tout de même nombreux au cours des solos. On en entend sur “This Was Nearly Mine”. Le saxophoniste n’est sans doute pas John Coltrane, mais il n’en demeure pas moins que la sonorité est touchante. Sa version de “I Remember Clifford” sur le disque laisse entendre une grande sensibilité. D’albums en albums, les morceaux se ressemblent mais les climats sont très cools. Sur “Really Groovin”, le swing est convivial. Dans le titre “He Said, She Said I Said”, la percussion insuffle le rythme, le sax arrive puis se déroulent la ligne de basse et de batterie.
Il est difficile de faire un choix pour vous parler de sa musique, car l’esthétique est plus ou moins toujours la même, mais ce ne n’est que de la joie, d’écouter un Jazz mélodieux et festif.
Tout au long de ces années 60, Willis Jackson ouvre la voie à un Jazz très ancré dans ce mouvement du Soul Jazz. Ce mouvement se généralisera avec des artistes comme Herbie Hancock qui creuse lui aussi dans ce sens là, si on écoute “Watermelon Man”ou ”Cantaloupe Island”.
La production de disques est très prolifique, puisque le saxophoniste enregistrera vingt cinq sessions qui sont quasiment toutes sur Prestige.
Sur le titre “Contrasts” extrait de “Cookin Sherry”, le thème soyeux et romantique nous plonge dans l’ambiance des vieux films. Dans “Thunderbird”, sa version de “Body And Soul” illustre sa qualité d’interprétation des ballades. La sonorité est sensuelle d’autant que les nappes de l’orgue réchauffent.
“Bossa Nova Plus” est un disque enchantant par la finesse du souffle et les notes de Willis absolument lumineuses. La tournure est plus Soul encore qu’au début des années 60.
Dans les années 70, la trajectoire est la même sa musique est très axée sur la Soul. Le morceau “West Africa” est un calypso rappellant un peu Sonny Rollins quand il joue “The Night Has A Thousand Eyes”. Le saxophoniste garde ce son suave sur le morceau “A House Is Not A Home”, très sensuel lui aussi.
Le disque dont le titre est “Funky Reggae” est bien explicite. Le saxophoniste est toujours en quête de Groove de Funk.
Dans cet album, George Benson est présent à la guitare. Les directions Blues sont nombreuses dans cet album.
C’est une musique cool sur laquelle vous pouvez danser. Le Soul Jazz est encore plus entraînant que celui des années 60.
En introduction de “In Alley”, on a un groove léger qui se rapproche de la Funk Disco. L’univers sonore est proche du Smooth Jazz. On a aussi sur cet album, un morceau au tempo relevé, sur lequel le sax zigzague à travers les notes. Après cette énergie, une magnifique douceur avec la ligne mélodique romantique.
Encore et toujours, une pêche qui accentue l’énergie sur le disque “Bar Wars” en 1978.
On a beaucoup de reverb dans le son du sax toujours puissant. Savourez “Blue And Sentimental”, les solos, les phrases de sax et les débits maîtrisés de Pat Martino. Vous partez sur le up-Swing de “The Goose Is Loose”, avec une rythmique et une orgue Hammond enflammées. Le saxophoniste dégage une énergie incroyable.
En 1979, il sort “The Gator Horn” où la Soul est prépondérante. La ballade “You’ve Changed” évoque les grands de l’époque, Lester ou Ben Webster.
Un album dont il faut parler aussi est à mon avis “Single Action” en 1980. Très Bluesy, le son grave de la guitare et l’orgue Hammond apportent beaucoup de rondeur et de chaleur.
Le tempo élevé démontre encore une fois la technique hallucinante qu’avait Pat Martino, aux phrases renversantes. Le saxophoniste n’est plus dans la Soul et Rythm’n’blues, mais dans une approche plus Be-Bop. Le son est métallique, il est porté par une rythmique qui maintient le swing.
Après ce tourbillon de swing, le saxophoniste nous émeut par sa sonorité au cours de “Blue Velvet”. Ses sidemen tissent des solos absolument délicats et mélodiques. Articulées merveilleusement, les phrases de guitare m’emportent.
En 1981, il forme un duo en compagnie de Von Freeman. Le drive est léger dès le premier morceau qui est un Blues.
À écouter aussi, l’album “Nothing Butt” où il est accompagné de Grady Tate, Pat Martino et Charles Earland.
Le disque démarre par une jolie version en medium swing de “Just The Way You Are” de Billy Joel. Il reprend “Nuages”, standard de jazz manouche. Le dernier morceau “Move” va à une vitesse hallucinante.
Il montre qu’il est un technicien jouant des phrases magnifiquement fluides.
À la fin de sa vie, il joue avec Richard Groove Holmes sur la session live intitulée “Ya Understand Me”.
Le swing est straight, le son de sax est assez métallique voir bouillonnant. Les phrases sont Blues mélangées à des ouragans.
Willis s’est illustré par le Jazz qu’il affectionnait, celui imbibé de Soul un peu celui de Lou Donaldson. Si il est emmené par cette énergie groove et Soul, Willis Jackson savait jouer le Be-Bop. Il joue des thèmes plus rapides vers les années 70, quand il est souvent entouré de Pat Martino.
Bon technicien, il privilégiait tout de même l’émotion et le groove à la technique.
Il était un saxophoniste qu’il faut écouter par son sens du swing et ses envolées Bluesy.

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