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SUR LA ROUTE DU JAZZ/ PALLE DANIELSSON (1946-2024)

Le contrebassiste Palle Danielsson est décédé le 18 mai dernier. Il est connu pour avoir été le sideman de grands Jazzmen, Keith Jarrett Jan Garbarek ou encore Charles Lloyd.
Né en Suède, il apprend d’abord l’harmonica se met au violon puis la contrebasse arrive dans sa vie. Il devient l’un des sidemen les plus prisés de Scandinavie comme le Danois Niels Henning Orsted Pedersen.
Palle commence sa carrière à la fin des années 60 avec Lee Konitz sur une session intitulée “Alto Summit”. Le morceau d’ouverture respire le Blues sur du trois trois temps et sur un rythme enraciné dans l’Afrique. Le contrebassiste accompagne sobrement les différents solistes Phil Woods, Pony Poindexter et Leo Wright. Les notes de contrebasse rebondissent sur le jeu de batterie de Jon Christensen. La contrebasse discrète et légère sur le “Ballad Medley”. Les notes sont belles, avancent comme sur du velours.
Il termine “The Perils Of Poda” par une ligne de notes bien rondes sur le ¾.
Palle développait de belles lignes de contrebasse qui avaient le swing.
Sur “Good Booty” la ligne est chaleureuse, lumineuse. Le solo est construit autour de motifs qui s’enchaînent au moyen de chromatismes. Ce contrebassiste ne mettait pas en avant la technique. La basse donne une bonne pulse pour les soufflants sur le morceau “Lee’s Tribute To Bach and Bird”.
Quelques années après, Palle Danielsson sera présent sur la session d’”Altissimo” sous la houlette de Lee Konitz. Cette fois-ci, les altistes sont Jackie Mclean, Gary Bartz, et Charlie Mariano. Sur fond de duels entre sax alto, la contrebasse tranquille déroule le tapis des walkin. Sur un titre comme “Mode For Jay Mac” lorsque le rythme devient binaire, le contrebassiste Suédois est très inventif sur les tournes qu’il proposent.
Il avait un style épuré avec des notions d’espace.
Sur “My Song” de Keith Jarrett en 1978, il se distingue par un jeu aéré sans lourdeurs, les notes de basse qui enveloppent et qui enrobent. Il était un contrebassiste à l’écoute glissant ses notes de contrebasse dans les espaces. Sur “Questar”, on entend bien ces notes se glissant entre les notes de piano. Le titre éponyme n’est que douceur, la basse est toute en finesse et pose ses notes avec une infinie tendresse.
Les morceaux du disque “My Song” sont dans un esprit Folk, les mélodies sont inspirantes et c’est le cas lorsque Palle prend un solo au cours de“Country” en cherchant le côté mélodique.
En 1982, lors du concert de Charles Lloyd à Montreux, le contrebassiste laisse bien rebondir ses notes bien lourdes bien solides. Il prend d’ailleurs un solo sur le premier morceau intitulé “Imke”. Le jeu de contrebasse est sobre, les cellules rythmiques sont variées pour accompagner le solo de sax enflammé sur “Very Early”. Le chemin mélodique que Palle trace explore les notes aiguës revient aux médium. Doté d’une technique importante, il déroule des phrases captivantes.
En 1986, sur l’album “Pianism” l’entrée en solo se fait par un motif des plus mélodieux empreint de nostalgie joué avec finesse. Le toucher est clair juste précis.
Sur des tempos rapides comme “Our Tune”, la construction du solo se fait en exploration d’un sens mélodique.
Le toucher peut être nerveux comme on l’entend sur “Face’sFace”. Palle faut claquer les cordes.
“Night And Day” illustre la technique du contrebassiste.
En leader, Palle enregistrera quelques disques dont “Contra Post” à partir des années 90.
Ce dernier démarre par un morceau joué tout seul, assez solennel et provoquant la sensation d’espace. Palle proposait un Jazz plus introspectif tourné vers le lyrisme proche du style de musique qu’il joua avec Keith Jarrett. Le cheminement de la contrebasse est clair fluide, les accords de piano cristallins, le jeu de batterie est fin et la contrebasse ronde.
Ecoutez “Out Of Habit” qui n’est que lyrisme et émotion.
En exposant le thème “Monk’s Mood” Palle Danielsson montre la précision de son toucher.
Le climat qu’installe le piano sur “7 Notes, 7 Days, 7 Planets” est assez solaire. Lorsque j’écoute cette mélodie, j’imagine une éclosion de couleurs.
Très émouvant à l’archer, il joue une mélodie derrière laquelle les accords de guitare sont égrenés avec douceur. Les doigts agiles sur le manche la sonorité est d’une grande netteté.
Au début des années 90, le musicien Suédois accompagnera Peter Erskine sur trois albums. Là aussi, le trio du batteur explore les espaces, les silences et les respirations.
L’album “M.E.D” avec Rita Marcotulli et Peter Erskine est aussi un exemple de plus de ces explorations mélodiques. Introduisant le morceau d’ouverture avec des motifs orientaux, la ligne de contrebasse est pure et puissante.
Sur “Pannonica” on entend un joli échange entre le piano et la contrebasse. Celle-ci déroulera de très belles phrases. “Nightfall” de Charlie Haden est introduit par la contrebasse puissante au niveau de l’attaque. “Autumn Rose” est traversé par des séquences intrigantes et parfois par des moments plus mélodieux. Palle s’illustre encore par une improvisation sur cette grille harmonique ressemblant plus à de la Folk.
Pouvant accompagner sur n’importe quel répertoire, le bassiste Suédois alliait justesse du toucher avec inspiration mélodique. Accompagnateur mettant à l’aise, il était aussi un soliste qui pouvait explorer n’importe quelle piste mélodique. Il était un sideman discret mais d’un grand charisme musical et esthétique. Par son jeu de contrebasse, il pouvait exprimer la nostalgie et la profondeur.
Je vous propose le thème “Very Early” au cours duquel il prend un solo mélodieux autour de notes rondes et solides.

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