Elle est la première femme pianiste à conquérir une grande notoriété et à laisser une empreinte dans l’histoire du Jazz.
La discographie de Mary Lou Williams est volumineuse, elle qui fut pionnière du Soul Jazz avec « Zodiac Suite » en 1945.
Chaque titre composé porte le nom d’un signe du Zodiaque. Ancrée dans le Blues, les explorations des accords sont en avance sur son temps. Le morceau « Taurus » souligne la puissance animale par des accords plaqués avec force, le toucher dynamique de la pianiste. La main gauche laisse entendre une force venant des influences Ragtime.
« Gemini » commence par une tourne contrebasse piano batterie qui apporte de l’enthousiasme. Le côté sombre du mouvement « Cancer » baigne dans le Blues. Les accords évoquent une certaine noirceur.
Elle enregistrera en studio cette suite puis la jouera en concert au Town Hall, en compagnie notamment de l’immense saxophoniste Ben Webster.
Mary Lou était une grande dame du Jazz qui a grandi en pleine période du Swing.
Elle inspira des grands artistes comme Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Miles Davis et écrivit des arrangements pour Duke Ellington Duke Ellington – Verve Records
Elle aimait bien entendu les standards et les joue dans le disque « The First Lady At The Piano » en 1953.
Le swing de la pianiste est vif net les phrases transmettent une énergie sans pareil. Le toucher témoigne d’une belle sensibilité d’une douceur certaine comme on peut l’entendre lors de sa version de « Round Midnight ».
En 1964, l’album « Black Christ Of The Andes » commence par un bouquet de voix des plus beaux. « Black Christ Of The Andes » est très Gospel durant lequel on entend les voix basses et les aigus s’assembler dans un tissu sonore qui nous enveloppe. Les harmonies sont très bien retranscrites par les choristes.
« The Devil » commence par les voix basses masculines, soutenues par des voix fines dans l’aigu. En trois temps est le morceau « Anima Christi » emmené par une voix en lead. Les accords de 7ème de dominante sont très présents sur ce thème qui a une couleur très Blues.
L’ ambiance Soul on la retrouve sur « Praise The Lord » qui tourne autour d’une cellule mélodique envoûtante.
Le toucher donne le frisson tellement les doigts caressent les touches sur « It Ain’t Necessarily So ». Le Blues est en elle, les envolées sont grandioses.
A partir d’une ligne de contrebasse, la pianiste plaque avec douceur des accords dont l’enchaînement ressemble au standard « On Green Dolphin Street ». Les phrases sont discrètes la technique rudimentaire mais l’esprit présent.
Mary Lou Williams aimait explorer des harmonies en avance pour l’époque.
En 1974, elle enregistre l’album « Zoning » qui démarre sur un rythme groovy avec « Syl-O-Gism ». Sur la tourne harmonique Blues mineur du second morceau, les phrases que développe la pianiste sont subtiles et émouvantes.
« Medi II » est un thème qui va à vive allure et qui sur le plan technique illustre une belle fluidité.
Plus groove est le thème suivant intitulé « Gloria ». Mary Lou ressent la Soul.
« Zoning Fungus II » a quelques accents dissonants plaçant la pianiste dans un registre presque Free par instants.
Le raffinement harmonique s’entend sur une composition comme « Holy Ghost ».
Les notes douces nous font voyager. La pianiste plaque les accords dans un état d’esprit Blues sur « Medi I ». La pianiste alterne entre accords dynamiques et phrases très Bluesy.
Mary ressentait la Soul comme on l’entend jouer « Rosa Mae ».
Les voicings sont mystérieux lorsque Mary Lou joue « Ghost Of Love ».
La contrebasse gronde, les percussions jouent un rythme frénétique tout le long de « The Praise Of Lord », que le piano ponctue d’accords envoûtants. Le groove repart de plus belle sur la composition suivante intitulée « Gloria ». La contrebasse emplit bien les espaces par un jeu très appuyé auquel le piano se joint en ayant ce jeu percussif.
Le morceau « Play It Momma » commence par des percussions énergiques une contrebasse suave. La pianiste a toujours ce groove en elle et ses phrases Bluesy.
L’année suivante en 1975, Mary Lou grave un bel album chez Steeplechase en trio intitulé « Free Spirits ». Sur ce disque place aux standards et au jeu raffiné basé sur un esprit Blues qui plane sur des phrases Be-Bop. La session s’ouvre sur « Dat Dere » morceau de Soul jazz écrit par Bobby Timmons. Les notes sautillent l’esprit du Swing ne retombe jamais.
« Baby Man » est un morceau lui aussi aux couleurs de Blues mais aux accords mineurs délicats et lyriques. La contrebasse de Buster Williams enveloppe ce jeu de piano tout en finesse et émouvant. La pianiste s’envole magnifiquement a ce désir d’aller d’un courant stylistique à un autre, comme on peut l’entendre au cours de la reprise du morceau « All Blues », grand morceau du Cool de ce Jazz moderne épuré qui stimule l’imagination des musiciens.
Le morceau éponyme « Free Spirits » est joué sur un rythme latin autour d’un motif de contrebasse et une tourne de batterie intense.
Le jeu alterne entre accords classiques et accords plus sophistiqués.
Sur un rythme Bluesy le thème « Ode To Saint Cecilie » donne l’occasion à la pianiste de dérouler son jeu Groove et Blues.
Mary Lou Williams enregistrera deux albums en live « Live At The Cookery » et « Live at The Keystone Korner ». La pianiste était surprenante par les trajectoires en solo qu’elle empruntait comme on peut écouter sur une nouvelle version d' »All Blues ». « The Surrey With The Fringe On Top » est repris dans un esprit classique remontant aux racines celles du Ragtime.
Cette grande pianiste lors du « Live At The Keystone Korner » reprend des standards avec grâce. La tourne de « Roll’Em » est un Blues qui tourne autour d’un motif Boogie Woogie. On entend les spectateurs captivés par ce swing endiablé de la main gauche.
Ecoutez le jeu de piano en toute simplicité lorsqu’elle accompagne Cynthia Tyson sur une tourne de Blues très enracinée dans la tradition en ouverture de « My Mama Pinned A Rose On Me ». Le Blues, Mary Lou le rappelait sans cesse au fil des morceaux et de ses improvisations.
« Prelude To Prism » est une séquence qui montre que la pianiste explorait des harmonies sophistiquées et complexes.
Écoutez sa version de « My Funny Valentine » où les voicings qu’elle utilise sont surprenants. Très lyrique dans l’interprétation, Mary Lou faisait pleurer son instrument.
En 1979, la pianiste partage l’affiche avec une autre grande pianiste Marian McPartland dont il est difficile de trouver des traces. Vous pourrez écouter des conversations entre ces deux grandes dames du piano.
En tant qu’ accompagnatrice, Mary Lou accompagnera entre autres Dizzy Gillespie sur un live de 1957 magnifique intitulé « At Newport ». Mary Lou Williams est invitée à jouer quelques séquences de sa composition « Zodiac Suite ». Le piano raffiné accompagne les riffs de cuivres qui ornementent bien les parties de piano.
Sur « Carioca » on apprécie le rythme latin et chaleureux sur lequel la pianiste développe un solo en faisant rebondir les notes et les voicings.
Grande dame du piano, Mary Lou Williams est une artiste qui ouvrit la voie à de nombreux musiciens, en rappelant constamment, que jouer le Jazz se fait en ayant toujours un oeil sur ses racines et l’autre en direction de formes plus modernes basées sur les explorations harmoniques.
Mary Lou Williams était une immense artiste qui ancrée dans le Blues, a transmis cet héritage en ne laissant jamais tomber sa quête de nouvelles sonorités et de nouveaux accords.