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SUR LA ROUTE DU JAZZ/ LE JAZZ ROCK/GATEWAY/ ABERCROMBIE DEJOHNETTE HOLLAND

Parlons d’un trio qui eut son importance à partir du milieu des années 70 jusqu’aux années 90.

Gateway composé de John Abercrombie Dave Holland et Jack DeJohnette propose un Jazz à mi chemin entre le Jazz électrique et le Jazz acoustique, en combinant des formules rythmiques et des formules mélodiques complexes.

L’aventure commence en 1975 lorsque sur ECM, les trois musiciens signent leur premier album.

Le morceau qui ouvre l’album est une conjonction de rythmes binaires à partir desquels le guitariste lance des motifs et phrases qui sonnent Rock et Folk.

Sa technique en legato et son attaque franche à la main droite montrent l’étendue de sa technique. La contrebasse de Dave Holland maintient une rondeur une chaleur que le batteur ponctue de sa frappe précise.

L’obscurité se ressent lorsque la contrebasse déploie ses notes lourdes comme on l’entend sur « Waiting ». La batterie scintille par ses interventions sur la cymbale.

Le trio caresse le domaine du Free sur le titre suivant « May Dance ». La contrebasse et le batteur relancent le guitariste qui s’enflamme au cours de « May Dance ». John Abercrombie cherche la dissonance cherche sans cesse des trajectoires en solo. Très fougueuse et inflammable, est la guitare sur le morceau suivant « Unshielded Désire ». Le trio apporte une intensité comparable à celle qu’atteint les groupes de Tony Williams accompagné de John McLaughlin et Larry Young.

La rythmique explose et la guitare brûle.

Sur le morceau suivant, la six cordes installe du mystère, quelque chose de trouble et de particulier à appréhender, comme si l’esthétique était constamment mouvante.

La guitare semble lançer des phrases improvisées sur lesquelles la rythmique contrebasse batterie interagit.

L’ouverture de leur second album est assez impressionnante sur le plan du climat sonore. « Gateway 2 » démarre dans l’apaisement et tout au long des seize minutes, l’intensité sonore et celle de l’interaction entre les musiciens monte en puissance. Ce trio a quelque chose de poétique. Si la qualité de chaque musicien est de haut niveau, le trio sait transcrire ce sentiment de fragilité.

« Sing Song » est interprété par la guitare électrique au toucher soyeux.

La composition suivante est pleine de folie en raison en partie de l’utilisation de la guitare synthé. Dave Holland et Jack Dejohnette stimulent cette sensation d’urgence. Magistral est le batteur lorsqu’il s’installe au piano. Jack Dejohnette accompagné sobrement par ses compagnons réussit à transmettre l’émotion suprême.

Plusieurs années plus deux magnifiques albums « In The Moment » et « Homecoming ».

Pour le premier, le trio commence entre accents Indiens et arabisants.

Cet album à la pochette rouge est plus dans l’abstrait et l’improvisation collective. Difficile d’accès, il n’en demeure pas moins intéressant. Entre sonorités indiennes et accents classiques l’album a des accents de World Music. Les lignes de guitare sont orientales sur le morceau « Cinucen ».

Au cours du morceau suivant « Shruberries », on entend ce son de guitare se mêler à la contrebasse et à la batterie qui jouent avec grande finesse.

L’album « Homecoming » est plus Jazz et comprend des thèmes plus sophistiqués sur le plan harmonique et rythmique.

L’ouverture se fait par « Homecoming », un thème à la métrique complexe écrit en mesures composées.

La reverb de la guitare la contrebasse et le jeu de cymbales étincelant sont une empreinte reconnaissable. La guitare se lance dans une improvisation où elle semble fusionner avec la batterie. Dave Holland y joue un solo plein de fougue que Dejohnette soutient avec discrétion.

Les thèmes sont assez mélodieux comme « Waltz New », un trois temps qui commence dans la noirceur et qui évolue vers un optimisme fragile. Le jeu de Jack DeJohnette en finesse accompagne la contrebasse langoureuse de Dave Holland.

Ce dernier prend le premier solo sur le titre « Modern Times ». Très énergique, la contrebasse laisse la place au solo de batterie dont les interventions sont precises et jouées en finesse.

« Calypso Falta » comme son nom l’indique est un morceau plus cool, où l’on entend John Abercrombie jouer des motifs de Blues. Dave Holland déroule des notes rondes et enrobées, alors que la sonorité du guitariste dépend de plusieurs effets comme l’overdrive la reverb.

En introduction de « Short Cut », la guitare tisse de jolis arpèges avant de démarrer ce thème dans un tempo medium cool. Les lignes de contrebasse sont limpides, la guitare elle laisse entendre de nombreuses notes en legato.

La métrique semble être du 7/4 sur le morceau « How’s Never », un thème puissant assorti d’un son saturé et de la frappe énergique du batteur.

En solo, Abercrombie dégage une terrible en tirant les cordes.

Le batteur frappe avec force pendant le solo sur cette métrique peu commune. « In Your Arms » est un morceau plus cool où l’on entend la contrebasse sonner avec grande douceur.

La composition suivante « 7th D » commence par une séquence d’impro collective. Quand on écoute le guitariste John Abercrombie on retrouve les style de John Scofield. Il n’y a là aucun hasard puisque le premier influenca le second. Ses notes rebondissent sur la contrebasse et le drive de la batterie avec grande subtilité.

Une fois de plus pour conclure, le trio interprète un bijou intitulé « Oneness », un thème aux arpèges de piano évoquant le sentiment de blessure, auquel la guitare acoustique ajoute un côté blues émouvant.

Ce trio joue une musique où la prise de risques est inhérente à cette formatiion.

Entre subtilités harmoniques et complexités de métriques et de rythmes ces trois musiciens ont contribué à présenter une nouvelle facette du Jazz électrique. La musique de Gateway est tantôt calme, souvent pleine d’énergie et de surprises. Leur conception de l’espace illustre leur volonté d’explorer de nouvelles combinaisons sonores et esthétiques.

Même lorsque le climat devient plus dynamique voir explosif on sent cette recherche du mystère et de l’onirique..

Rentrant dans la catégorie du Jazz Rock par leur fougue et le son saturé de la guitare que l’on retrouve souvent, les trois grands jazzmen ont atteint un niveau d’interaction exceptionnel.

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