Aujourd’hui on se penche sur Lalo Schifrin, grand chef d’orchestre et arrangeur qui acquiert une grande notoriété en écrivant des musiques pour les séries et films dans les années 60. Pianiste, il incluera des éléments du Jazz aux rythmes et mélodies latinos de son Argentine natale et plus largement de l’Amérique Latine. Il enregistrera une cinquantaine de disques entre bandes originales et albums.
Le premier disque de 1957 s’intitule « Spectrum », où les cordes composées de violons et violoncelles mêlées aux cuivres et aux bois, tissent une ambiance romantique dès le premier mouvement « Red Sails On The Sunset ». Le saxophone alto amène de la sensualité tandis que le second morceau « Azure » laisse plus de place aux cordes et leurs nombreux trémolos. Les cuivres et saxophones jouent les motifs des basses.
Les orchestrations et arrangements sont pleins d’énergie et d’un grand sens mélodique.
Après ça vous entendrez un grand éclat de cordes sur »The Moon Was Yellow », le morceau qui ressemble le plus au tango. Les assemblages des voix est très harmonieux.
Sur « Ruby », les voix des cordes sont puissantes et lyriques et plus lumineuses et ensoleillées sur « Black Beauty ». Tout dans cet album est grandiose les différentes voix des cordes les interactions entre elles et les cuivres. Les pizzicatos de cordes apportent de la délicatesse à la sonorité d’ensemble. Ce compositeur nous fait voyager entre onirisme joie et espoir.
Les bois et les cordes sur « Blues Is The Night » font ressentir la nostalgie. Les trombones et trompettes sont mis en avant sur le mouvement « Scarlet Ribbons ».
Les violoncelles en pizzicato sont un vrai bonheur et servent de tapis aux alto et violons.
En 1959, le disque « Piano Espanol » démarre par « Frénési » une séquence au rythme entraînant qui monte en intensité au fil des interventions de cuivres. Les rythmes sont envoûtants comme on l’entend sur « Capricho Espanol ».
Dans cet album, le compositeur Argentin reprend « Caravan » du grand Duke Ellington.
La percussion est le poumon du morceau suivant « Malaguena », au cours duquel le rythme est chaud. Sa version de « All The Things You Are » assez originale du point de vue de la métrique.
Pour être clair, Lalo étire la structure en doublant le nombre de mesures. Les percussions ont un rôle fondamental dans la musique de ce chef d’orchestre.
« Cha Cha Flamenco » est un morceau dynamique au cours duquel la section des cordes violoncelles et violons lancent des motifs courts mais intenses. Après avoir exploré les intonations Espagnoles Lalo explore du côté du Brésil pour reprendre des Bossa Nova.
Sur la session « Piano Strings And Bossa Nova » j’aime les arpèges de fin absolument magnifiques d’émotion sur la reprise du morceau « Insensatez ». Sur « Silvia », la nostalgie et l’émotion sont accentuées par les nappes de cordes.
Le thème » Murmurio » est un très joli question réponse entre le piano et les cordes.
Les intonations orientales se font entendre sur le morceau « Maria ». Par la vigueur du tempo « Samba do Perroquet » vous emmène sur le chemin de la danse.
En 1962, Lalo Schifrin accompagné de sidemen prestigieux comme Leo Wright ou Jimmy Raney publie « Lalo=Brillance ».
Le morceau latin « Sphyros » démarre par un motif angoissant qui se poursuit sur un rythme swing.
Moment smooth et doux sur « An Evening With Sao Polo ». L’impression et la présence du serpent est relatée sur le morceau « The « Snake’s Dance ».
Le morceau « Kush » est une composition de Dizzy Gillespie introduite par la percussion et la flûte sur une tonalité orientale. Le thème se déroule en cascade joué par la guitare et le piano. Sur fond de percussion le pianiste claque les notes.
Sur « Mount Olive », la guitare de Jimmy Raney déroule un motif en boucle, puis la rythmique part en swing sur lequel l’alto de Léo Wright vient se poser. Le pianiste et arrangeur Argentin reprend un morceau de George Russell intitulé « Cubano Be ».
L’année 1962 est décidément prolifique puisqu’il réalise encore un album dédié à la Bossa » Bossa Nova: New Brazilian Jazz ».
Le sax alto Léo Wright a une sonorité très délicate, malgré les phrases intenses qu’il est amené à jouer. Il invitera le tromboniste Bob Brookmeyer sur l’album « Samba Para Dos » en 1963, dont presque tous les titres sont des standards de Jazz.
La respiration des phrases ainsi que ses trajectoires Bluesy sont l’empreinte du tromboniste.
Le pianiste aime les arrangements latino sur les standards.
Si il aime les projets en grand ensemble, il jouera en trio « Between Broadway and Hollywood ». Le morceau le plus beau est sans doute le thème « Impressions Of Broadway ».
Il est important de mentionner que dans les années 60, il travaille avec Dizzy Gillespie sur le disque « Gillespiana ». Le disque commence par « Prélude », tout à fait majestueux où cuivres et saxophones sont des propulseurs de swing.
« Blues » est un thème plus cool que la contrebasse d’Art Davis introduit.
Le pianiste publiera à nouveau ce disque « Gillespiana » en 1998, avec des solistes de renom comme Jon Faddis et Paquito d’Rivera. Sur « Dizzy On The French Riviera », Lalo Schifrin participe et arrange aussi les morceaux du Big Band du trompettiste. Il écrira également les arrangements sur « New Wave » et « New Continent ».
En 1964, sa collaboration avec Louis Bellson donne lieu à un disque étonnant. L’introduction du disque par les sanglots de cordes, vous plonge dans une ambiance mystérieuse et oppressante à la fois. Le titre du disque est un morceau tout à fait délicat par la suite, lorsqu’on entend la finesse du toucher au piano. La plupart de ces séquences serviront à Lalo pour la composition du thème de la série « Mannix ».
En 1964 toujours, le pianiste est entouré d’un Big Band dont les parties de cuivres sont de haute volée. Sur la session « New Fantasy » figurent entre autres, le trompettiste Clark Terry, les trombonistes J.J Johnson Kai Winding Au cours de cette session, il faut écouter « Bacchianas Brasileiras NO.5 » de Villa Lobos. En 12/8 la mélodie « New Fantasy » exprime l’élévation et l’envol comme « Slaughter On Tenth Avenue ».
Parrallèlement à ses albums Lalo Schifrin est connu pour ses célèbres bandes originales de films comme « Bullit » « Dirty Harry » « L’année du Dragon » ou encore pour ses génériques de séries télé, comme Mission Impossible et son thème en cinq temps. Il écrira aussi le thème de « Mannix ».
Dans les années 70, on entend le psychédélisme dû aux synthés et aux vagues de cuivres comme on l’entend sur « Black Widow ».
Lalo Schiffrin prit un virage quelque peu Funk avec des miettes de disco. La guitare joue des cocottes Funky. On entend encore cet esprit Funk Disco sur le disque Towering Toccata, au cours duquel participent des sidemen de prestige comme Joe Farrell, Steve Gadd, Will Lee, Eric Gale qui sont à l’époque extrêmement demandés. Il faut écouter la ballade romantique « Eagles In Love ». L’ambiance est quasiment du disco au cours de « Most Wanted Theme » et quel groove terrible sur « Roller Coster », où la tourne de batterie rappelle celle de « Papa Was A Rolling Stone ».
Moins disco mais avec des nappes de clavier électrique, le Funk est bien là.
On notera la présence du guitariste Dean Parks, du bassiste Abraham Laboriel et du percussioniste Paulinho Da Costa. J’entends plusieurs plages qui ont des liens avec l’album « Romantic Warrior » de « Return To Forever ».
Toujours dans l’esprit du jazz Funk de la fin des années 70, écoutez le premier morceau « No One Home » du disque du même nom. Les premiers instants me font penserr à du Marvin Gaye et puis à « Sunlight » d’Herbie Hancock. Peut être, le vocoder de Wah Wah Watson n’est pas étranger à cela. Les synthétiseurs combinés aux voix aux cordes et aux cuivres marchent à merveille. On entend une cocotte de Funk à la guitare sans doute jouée par Paul Jackson Jr ou Wah Wah Watson, ainsi qu’une voix sensuelle sur le morceau « Enchanted Flame ». L’introduction de « Memory Of Love » est apaisante et cette voix féminine incroyable peut être celle de Virginia Ayers.
En 1982, Lalo revient au Jazz plus classique et renoue avec le swing pour un très bel album fait de compositions personnelles et de standards comme « Con Alma » « Manteca ».”Ins And Out” est interprété par une flûte tout à fait délicieuse et servie par une basse limpide et un drive généreux.
Le pianiste y joue un thème « Love Poem For Donna » interprété encore une fois par la flûte.
Pour ceux qui l’avaient oublié Lalo est un grand improvisateur un coloriste autant en solo qu’en composition comme sur « The Fox ». L’attaque est franche, percussive mais les phrases empruntent de très belles trajectoires.
Lalo Schifrin est un des derniers géants du Jazz. Depuis les années 50, jusqu’à ces dernières années vers 208, il n’a cessé de composer arranger pour lui et pour un nombre important d’artistes. Nous avons évoqué Dizzy, mais nous pourrions parler de Jimmy Smith Jimmy Smith – Verve Records, pour lequel il écrivit les arrangements de « The Cat » de Cannonball Adderley, Count Basie et Stan Getz.
Jamais à court de projet, il a oeuvré dans la musique Classique le Jazz dont il a contribué à garder rapproché de la musique Sud Américaine en écrivant de magnifiques arrangements pour cuivres bois et cordes. A 91 ans, il est un des derniers immenses chefs d’orchestre dans la cour des grands comme Gil Evans, Count Basie ou Duke Ellington.