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SUR LA ROUTE DU JAZZ/ HERMETO PASCOAL L’INCLASSABLE

Ce musicien Brésilien ne peut être affilié à aucune catégorie précise, tant il joue de nombreux instruments et appréhende des univers musicaux très différents.
Hermeto Pascoal est friand d’aventures sonores, lui qui se sert de choses diverses et variées comme instruments. Plus d’une trentaine de disques sont à son actif.
Il commence sa carrière au début des années 60 avec l’album « Conjunto Som 4 », au cours duquel on entend les rythmes latins et le Jazz.
L’album commence par un titre « Consolacao » où la flûte est pleine de fougue et de soleil. La trompette est tenue par Papudhino, la rythmique est tenue par Azeitona à la basse et Edilson à la batterie. Le motif rythmique est redondant. Le trompettiste part le premier dans un solo aéré suivi d’un solo de flûte qui donne la sensation d’élévation.
Sur « Samba Novo » on entend les influences du Jazz, cette musique d’improvisation qui rencontre les rythmes Sud Américains.
On note la très belle introduction de piano, puis l’exposition du thème à la trompette et à la flûte qui partent en contrechant.
« Minha Namorada » est une bossa dans la même veine, un thème sur lequel on peut danser tranquillement. Les compositions sont toutes aussi mélodieuses les unes que les autres. La flûte est apaisante sur le titre « Maria Moita ». L’association trompette flûte est très agréable à écouter.
La trompette de Papudhino et la flûte d’Hermeto illuminent les auditeurs que nous sommes.
Lorsqu’on parle de Bossa Nova, on évoque souvent le travail de Stan Getz avec Astrud Gilberto mais l’album dont nous parlons est un disque important de ce style.
En 1965 avec le Sambrasa Trio, le pianiste flutiste réalise « Em Som Maior », un disque où les percussions sont vives. Dans le jeu de piano on entend des éléments de la Soul.
Les notes d’harmonica qui introduisent « Nem O Mar Sabia » sont très poétiques rappelant l’esprit de Bill Evans.
Le Quarteto Novo est un album de 1967, dans lequel la rythmique est plus nerveuse comme on peut l’entendre dans « Fica Mal Com Deus » au rythme brûlant. Hermeto prend dans son équipe le jeune Airto Moreira, que l’on verra aux côtés de Miles puis avec « Return To Forever ».
Cette musique du Brésil a toujours été chaleureuse, pleine de soleil transmettant l’impression de la chaleur et de la convivialité.
Le morceau « Vim De Sant Ana » tourne autour de très beaux arpèges de guitare et une flûte mélodique. le rythme est très vivace, les cellules rythmiques sont précises.
En 1969, nouvelle sonorité nouvel esprit dans « Brazilian Octopuss » les sensations sont funky groovy. Le groove du premier morceau « Gamboa » me rappelle celui d’Albert Tootie Heath dans le disque « Fat Albert Rotunda » d’Herbie Hancock avec « Fat Mama ».
La reprise de « Pavane » composée par Gabriel Fauré est faite en mode Soul.
Les arrangements de flûte saxophone et vibraphone sur le morceau suivant « Como Borboletas » sont très mélodieux et cristallins. Plus Soul est le titre Momento B/8, dans lequel la guitare devient psychédélique et la batterie donne la sensation de contenir un rythme qui ne demande qu’à exploser.
Sur « Summerhill », le vibraphone installe l’harmonie tandis que les flûtes laissent échapper des motifs qui sont comme des petites tornades sonores.
Très chaleureux est le thème suivant « Gosto de Ser Como Sou », où les nappes de l’orgue et de vibraphone soutiennent les flûtes.
Le saxophone baryton semble être présent sur « Chaye », morceau composé par Hermeto. Les syncopes nombreuses de la musique Brésilienne sont lumineuses comme on l’entend sur « Cancao de Fim de Tarde ».
Le thème de fin « Casa Forte » est plus tendre, plus mélancolique et puis au bout de 1’15 la rythmique s’emballe.
En 1977, il publie « Slaves Mass » dont la photo célèbre met en relief toute la loufoquerie du personnage que l’on perçoit sur le premier morceau, où percussions flûte et claviers créent un climat particulier entre euphorie et mystères. Le clavier électrique énigmatique introduit cet album. Le Jazz Fusion est bien là. « Mixing Pot » est lunaire on entend FLORA PURIM installer des vocalises, la basse électrique tenue par Alphonso Johnson gronder et une ambiance gagner en intensité au fur et à mesure. Cet album produit par Warner Bros est le plus connu de la carrière de l’artiste.
Avec le titre éponyme « Slaves Mass », on entend la guitare acoustique égrener des accords. La contrebasse et les voix instaurent une ambiance trouble emplie d’intrigues et de mystères.
La flûte très lyrique rend hommage à Cannonball Adderley grand saxophoniste alto sur le titre « Cannon ». Les sonorités sont loufoques chez cet artiste. En 1980, il publie « Cérebro Magnetico » dans lequel figure un très joli thème intitulé « Amor, paz e Esperança » exprimant douceur romantisme et nostalgie.
Un autre album à noter est « Lagoa de Canoa » de 1984 dans lequel le saxophone entame un thème rythmique et mélodique sur « Ilza Na Feojada ».
Les expériences sonores de cet artiste sont hors du commun. Il explore sans cesse les sons se met en quête de climats différents.
Plus tard, il sortira en 2002 « Mundo Verde Esperança » . La composition qui est explosive est « Celso » où le piano et le saxophone partent dans des solos brûlants. « Ursula » est un chant très doux que la guitare accompagne avant de prendre une tournure orientale.
En 2017, un album retient mon attention est « No Mundo Dos Sons », un projet dans lequel l’artiste Brésilien rend hommage à des grands du Jazz comme Thad Jones ou Miles Davis. Pour le premier le thème est d’esthétique Bop Funk avec des flots de notes importants. En ce qui concerne l’hommage à Miles, on entend un solo de basse électrique, un solo de clavier et un solo de saxophone ténor rugissant. Le morceau en hommage à Piazzolla a les senteurs du tango. Dans le second disque les hommages continuent, celui à Tom Jobim, Ron Carter ou Chick Corea.
Cet artiste est hors normes, sans limites avec une volonté infinie de chercher et d’être en quête perpétuelle. C’est un compositeur qui connaît de nombreux styles et qui jongle avec les rythmes et les harmonies. J’ai eu la chance de voir ce géant au sens propre sur la scène du Festival de Jazz des Cinq Continents en 2004. Avec une stature de colosse, il avait étonné tout le monde par la curiosité instrumentale sonore et rythmique.

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