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SUR LA ROUTE DU JAZZ/ HANK JONES ET LE BE-BOP DÉLICAT/

On revient sur la rubrique historique émaillée par les pépites des différentes périodes du Be-Bop au Hard Bop sans oublier les racines. L’idée importante à retenir lorsqu’on se penche sur le Jazz réside dans ces métamorphoses à grande vitesse sur quelques décennies.

Le pianiste Hank Jones est un musicien incontournable faisant le lien entre le Jazz dit Mainstream ou « Swing » et le Jazz moderne, le Be-Bop puis le Hard Bop.

Ce grand personnage frère aîné d’Elvin et de Thad participa à un nombre colossal d’enregistrements. Sideman prestigieux, il est difficile de dénombrer le nombre de disques mais on doit être aux alentours de huit cent.

En leader il enregistrera cent cinquante albums.

Puisant dans le Blues, Hank Jones a su multiplier les aventures. Entre le Be-Bop au milieu des années 40 et le disque avec Cheick Tidiane Seck « Sarala », l’artiste savait s’adapter aux différents contextes. Avec l’organiste Africain, le pianiste s’illustre par sa façon de faire groover les notes notamment sur le morceau éponyme.

Le phrasé limpide rendu sautillant du fait de son sens du swing exprime une joie sans limite.

En relatant les grands enregistrements auxquels il participa et qu’il réalisa je tente de vous donner une présentation du style et de l’esprit.

Dans les années 40 il commence avec le trompettiste et chef d’orchestre Hot Page Lips. Le pianiste joue du Jazz Hot avec de nombreux voicings et notes qui sonnent Bluesy. Sur « I’ve Got The World On A String » on entend une séquence sautillante d’accords de piano de deux mesures qui relance le chanteur.

On peut evoquer les trios en 1953 1955 et 1956 avec Wendell Marshall, Kenny Clarke, Osie Johnson, Milt Hinton. La composition originale « We’re All Together » illustre la variété des phrases du pianiste. Les phrases sur « Odd Number » véhiculent la joie et l’énergie.

« Angel Face » écrite par Hank est une balade traduisant l’espoir. Le vibraphoniste Milt Jackson fait vibrer ses lamelles, tandis que la sonorité du saxophoniste Lucky Thompson enveloppe de sa sonorité romantique.

En 1958, le disque « Keepin’ Up With The Joneses » avec ses frères Thad et Elvin respire la joie et le bonheur. Les morceaux sont joués à des tempos Cool proposant un Jazz sobre sur un swing tranquille. Le trompettiste s’illustre par des envolées Bluesy et les flots en doubles croches empreinte que laissent les musiciens de Soul Jazz.

La composition d’ouverture « Nice And Nasty » insufle une ambiance tranquille entre Cool et Soul Jazz.

Les balais crépitants d’Elvin et la contrebasse lancent la trompette et le piano qui se répondent par des courts motifs Blues. Hank donne le sentiment de caresser les touches. Quand j’écoute ce solo j’entends une influence qu’il a pu avoir sur un pianiste comme Wynton Kelly.

Après un solo de trompette, Hank se met à l’orgue pour une impro imbibée de Blues ornée de quelques passages plus Be-Bop.

Le pianiste Hank qui joue de l’orgue a le toucher digne des grands, chaque note rebondit.

Sur le morceau « Sput N’Jeff », la finesse de la trompette se combine avec le jeu en douceur de la contrebasse et de la batterie.

et les accords délicats de piano.

En quartet, avec le guitariste Barry Galbraith le swing croustille toujours et encore.

Le morceau « Hallelujah » illustre une nouvelle fois, le toucher léger du pianiste malgré une grande technique héritée des pianistes de Ragtime.

Sur le disque du vibraphoniste intitulé « You Better Know It » on sent le plaisir de jouer de chaque musicien.

Hank retrouve pour l’occasion le bassiste Milt Hinton et le batteur Osie Johnson.

Comment passer à côté du disque « Somethin’ Else », un album de Cannonball Adderley gravé chez Blue Note en 1959 qui rentrera dans l’Histoire. L’introduction de piano de Hank autour d’un accord mineur sur le standard « Autumn Leaves » reste célèbre.

Le pianiste fondera « The Great Jazz Trio » avec Ron Carter et Tony Williams, puis Eddy Gomez et Jimmy Cobb.

En 1977, sur le disque « Great Jazz Trio Live au Village Vanguard », le pianiste tisse un solo empli d’émotion lorsqu’il interprète « Nardis ». Les phrases sont lyriques et pleines de feeling. La contrebasse de Ron Carter et la batterie de Tony Williams assurent une rythmique limpide.

En compagnie d’Eddie Gomez et de Jimmy Cobb, le pianiste continue de célébrer les grands standards ceux de Gershwin de Duke ou de Monk.

On peut aussi parler du trio avec George Mraz et Elvin Jones. En 1993, Hank Jones sort « Upon Réflections » en hommage à son frère Thad. Avec deux compagnons aussi prestigieux, Hank a un son raffiné de grande classe et des phrases majestueuses. Le titre « Upon Reflections » est un modèle de douceur et d’élégance. Les voicings du piano se mélangent merveilleusement avec la contrebasse et le jeu complexe mais subtil d’Elvin.

Le pianiste explore son clavier en sortant à chaque fois des solos aux belles trajectoires.

Les différents trios montrent qu’Hank Jones aimait jouer avec un nombre important d’artistes. Il est un peu au piano ce qu’est Ron Carter à la contrebasse.

De ce pianiste de Jazz on retiendra l’ élégance avec laquelle il jouait, ses articulations ciselées qui rendent les phrases si belles. Si il laisse quelques compositions originales, Hank Jones était avant tout un interprète des standards du Songbook.

Variant son jeu en single notes et en voicings, Hank Jones se renouvelait constamment. Il était un pianiste qui alliait le dynamisme des musiciens de Be-Bop avec un toucher en finesse. Son approche est celle d’un amoureux des grands standards qui cherchait toujours de nouvelles directions mélodiques.

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