ENTRE COOL ET BOP/ PLAYBOYS/ CHET BAKER AND ART PEPPER
La session dont nous parlons est essentiellement composée de thèmes écrits par le saxophoniste Jimmy Heath, né en 1926 et originaire de Philadelphie. Grand improvisateur, ce saxophoniste biberonné au Be-Bop et surnommé « Little Bird », écrivit plusieurs compositions qui furent reprises par d’autres jazzmen. Cet enregistrement réunit des musiciens prestigieux comme le trompettiste Chet Baker, aux côtés duquel on trouve Phil Urso au saxophone ténor et Art Pepper à l’alto. Les soufflants sont accompagnés par des sidemen de la même trempe, Carl Perkins au piano, Curtis Counce à la basse et Lawrence Marable à la batterie. Si le Be-Bop est exigeant, ce sextette le rend accessible avec une pincée de Cool. La session s’ouvre sur « For Minors Only » écrit dans un style bluesy avec une structure de seize mesures. Trompette sax alto et sax ténor offrent une alchimie parfaite sur le plan sonore, comme on peut l’entendre sur « Minor Yours », composé par Art Pepper. Les différentes voix sont harmonieuses. Les solistes se détachent de la technique et de la virtuosité, pour privilégier la mélodie et l’élégance. « Resonant Emotions » est du bonheur à l’état pur. Le swing cool égaie l’auditeur. Art Pepper emprunte des envolées Parkeriennes au son délicat et aux débits soutenus. L’introduction de « Tynan Tyme » est assez originale. Sans rythmique, le saxophone ténor commence à jouer une phrase de quatre mesures, suivi de la trompette, puis c’est au tour de l’alto de délier un court motif d’impro, avant d’exposer le thème ensemble, avec l’accompagnement de piano contrebasse et batterie. Chet Baker montre qu’il est un grand trompettiste, à la hauteur de Miles ou de Dizzy sur « Picture of Heath ». Ce Jazz a le dynamisme du Be-Bop et la couleur du Cool. Le contrebassiste Curtis Counce bâtit ses impro avec un certain classicisme, puisque souvent il reste en walkin’. Le sextet rend hommage à Miles Davis en reprenant un autre thème du saxophoniste Jimmy Heath, intitulé For Miles and Miles ». Chet toujours magistral par le calme et la retenue. Le contrebassiste donne à entendre de belles notes. « CTA » est repris au cours de cette session, même si Miles Davis fut le premier à l’enregistrer en 1954. C’est pour sa compagne Connie Teresa Ann, que Jimmy Heath composa ce morceau. Sur un tempo relevé le saxophone ténor est bien fluide. La trompette s’élève. A l’écoute de ce merveilleux disque de 1956, il me vient les propos de Miles Davis sur le Cool, dans son autobiographie réalisée avec Quincy Troupe en 1989. Page 173, le trompettiste dit: « Le Be-bop n’avait pas l’humanité de Duke Ellington ». Celui qui fut le chef de file de plusieurs courants, estimait que le Cool puisait dans les racines du Swing et avait une portée émotionnelle plus grande. Miles nous aide donc pour la conclusion. Ce sextet dont vous écouterez un extrait, joue le Be-Bop avec un son et un style plus émouvants que les pionniers eux mêmes.