Parmi les concerts exceptionnels que j’ai pu voir dans ma vie, l’hommage rendu à l’immense Sylvain Luc fait partie sans aucun doute, de ces moments uniques et magiques.
Sans son épouse Marylise Florid, ces hommages rendus un peu partout en France n’auraient pu voir le jour.
Que de belles émotions n’a t on pas eu tout au long de cette soirée?
Pour assurer les transitions entre chaque groupe et artiste, qui de mieux que le pianiste Laurent de Wilde.
Trés touchante, fut l’introduction de concert avec l’entrée des élèves de la classe de guitare du Conservatoire de Marseille. La pièce suivante, jouée par ces jeunes apprentis guitaristes et mandolinistes, rappelle que Sylvain a commencé par le classique, qu’il pouvait les contorsionner et arranger à sa façon, comme il le faisait sur les standards de la chanson ou ceux de Jazz.
La musique en famille était quelque chose de très important pour le guitariste. L’entrée sur scène de Gérard Luc, le frère aîné de Sylvain, entouré de Romain et Sébastien ses neveux fut d’une grande émotion. La mélodie que je perçois en cinq temps emplie de poésie et de nostalgie, m’emporte. Cette musique en famille à la base de tout ce sont les souvenirs de bals, l’apprentissage de centaines de mélodies, les premiers pas vers l’improvisation.
Se succèdent ensuite de magnifiques artistes. Sans décrire morceau par morceau, la soirée fut vraiment exceptionnelle par le répertoire et les artistes qui ont partagé la vie musicale de Sylvain. Voici quelques moments inoubliables et précieux.
Laurent de Wilde ne s’est pas contenté de présenter. Avec le batteur Matthieu Chazarenc et le contrebassiste Rémi Vignolo, il interpréta ”Peace”, une ballade signée Horace Silver. Le guitariste affectionnait ce morceau qu’il avait joué avec son trio Sud.
Quelle finesse dans le jeu du batteur que j’ai découvert hier soir. La puissance des phrases et la rondeur des notes de contrebasse m’ont également impressionnées.
Parmi les autres grands moments de la soirée, je retiens les séquences guitaristiques de Louis Winsberg, un alter ego du guitariste Basque à mon sens, sur le plan musical, par le goût infini des explorations et la recherche d’harmonies. Le guitariste Marseillais reste sur la scène pour partager un duo avec un autre monstre sacré, Biréli Lagrène. Tous deux reprirent ”Estate”, une mélodie couronnée d’improvisations aérées et chantantes. Bireli a mis des accents à la Bill Frisell et Louis Winsberg se distingua par sa patte aussi sensuelle qu’un Pat Metheny sur l’acoustique.
Je m’imaginais Sylvain Luc assis avec eux, pour un trio qui aurait été grandissime.
Par la suite, il est à noter le duo entre le bugle de Stephane Belmondo et l’accordéoniste Lionel Suarez. Tous deux ont traduit l’esprit du guitariste Basque, de la tendresse de la poésie remplie de tristesse. Les harmonies sur lesquelles se pose le son du bugle est presque sensuel.
Après une pause de quelques minutes, la lumière revient sur scène. Au milieu, Marylise Florid interprète une composition que son amour lui avait écrite. Au milieu d’arpèges, une mélodie très touchante, comme le guitariste en avait le don pour les écrire.
Un autre moment exceptionnel fut l’interprétation d’”Oblivion”, par un autre accordéoniste et non des moindres, Daniel Mille.
Sont présents encore une fois, Louis Winsberg et Stéphane Belmondo qui ont atteint des notes magnifiques. Le thème de Piazzola fut magnifié par l’accordéon avec en fond, le jeu sobre précis et nuancé des percussionnistes Keyvan Chemirani et Bijan Chemirani.
Eric Séva un autre ami de longue date est venu muni de son soprano, jouer une composition du guitariste, un trois temps heureux et synonyme d’optimisme, sur lequel, l’accordéoniste Lionel Suarez se distingua par ses accords élégants.
Il n’est pas possible de délivrer ces impressions concert sans parler des chants émouvants et poétiques de Richard Bona. Utilisant un looper, il superpose des voix qu’enregistre en temps réel et nous emmène en Afrique. Si son style à la basse est unique, sa voix l’est aussi son groove et son timbre.
Pour poursuivre dans le groove, on retrouve Bireli Lagrene, accompagné de Diego Imbert au son de velours et des phrases fluides et solides. Sur “Stella By Starlight”, le batteur Remi Vignolo impulse une rythmique Funk Soul qui décoiffe. Le solo de guitare au son overdrive rappelle certains guitaristes de fusion tels Scott Henderson.
Pour conclure, tous les musiciens au grand complet joueront un Blues où solos enjoués se succèdent les uns après les autres.
Cette soirée à l’initiative de Marylise Florid restera inoubliable. D’une dignité exceptionnelle, elle a tenu à remercier toute l’équipe qui l’entoure, les bénévoles et tous les techniciens. Après Paris Bayonne et Marseille, les concerts en la mémoire de son mari se poursuivront comme à Sète le 15 juillet 2025.
