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RIP/ TONY BENNETT (1926-2023)/L’ AMOUREUX DU SWING

L’immense crooner de Jazz vient de nous quitter. Pendant soixante dix ans sa voix avait ému les grands Jazzmen qui l’avaient accompagné.

De Count Basie à George Benson en passant par Bill Evans, la voix chaude et puissante de Tony Bennett nous a accompagnés, nous les amoureux du Jazz des différentes générations.

Quel coffre, quelle justesse et surtout un swing toujours présent.

Il est difficile de faire une sélection de morceaux, tant les interprétations sont grandioses et le grain de voix toujours de grande classe.

Que ce soit sur son premier enregistrement en leader en 1952 intitulé « Because Of You » aux sessions de ces dernières années comme « Duets », la voix nous emporte et nous séduit.

Dans son premier disque, le jeune Tony âgé de vingt six ans seulement a tout d’un grand vocaliste. La puissance se dégage. Entouré d’un choeur, Tony Bennett installe le romantisme en reprenant « I Wanna be Loved ».

L’année suivante, « Cloud 7 » renferme des pépites comme « I Fall In Love Too Easily ». La voix fait ressortir la mélancolie et le regret.

« Old Devil Moon » et sa tourne limbo laisse la place à la guitare de Chuck Wayne et au saxophone qui jouent en douceur.

Le titre « The Beat Of My Heat » parait bien choisi tant le swing semble ancré chez Tony. L’intro du titre « Let’s Begin » met la pêche.

Le titre éponyme commence par un dialogue entre la percussion et la voix et groovy est le déroulé des paroles.

La version de « Let’s Face The Music And Dance » commence par un clin d’oeil à Clifford Brown et la reprise d’un passage de « Jordu ».

En 1959, Tony enregistre « In Person With Count Basie » sur lequel figure entre autres la chanson « Without A Song ». La voix s’envole le timbre est grandiose.

Chez Coumbia, il sort « Alone Together », sur lequel figurent « Out of This World » « Gone With The Wind » ou encore « The Sophisticated Lady ». Les descentes chromatiques sont bluesy et sensuelles dans cette chanson signée Duke Ellington et Irving Mills.

La voix sur « I Left My Heart In San Fransisco » parue en 1962 vous fait voyager. Douce et toute en finesse le chanteur nous berce par ce timbre apaisé.

Si on devait donner une présentation en quelques titres de cet immense interprète, on parlerait également du dique de 1963 « I Wanna Be Around », sur lequel est présent « The Good Life » écrite par Sacha Distel, ou encore sa version de « Fly Me To The Moon » en ballade très lyrique, extraite de « If I Ruled The World: Song For The Jet Set » en 1965. Ces versions sont des références.

On pourrait aussi citer « Emily » de Johnny Mandel reprise sur « Movie Song Album » réalisé l’année suivante. La nostalgie de cette très belle mélodie, le chanteur la fait bien ressortir. Sensuel toujours, est le grain de voix sur « Days Of Wine And Roses ».

En compagnie de Bill Evans sur l’album « Together Again », vous pouvez savourer la version épurée très émouvante de « You Must Believe In Spring », ce grand morceau signé Michel Legrand. Les mots sont susurrés et les touches caressées. Avec Bill Evans ils enregistreront en 1975 deux sessions la première étant « The Tony Bennett Bill Evans Album ».

On le disait au début de cette chronique, Tony a chanté avec de nombreux artistes comme le guitariste George Benson sur le disque en hommage à Irving Berlin. La version de « Cheek To Cheek » reprise en up swing est phénoménale. La rythmique pousse la pulse à haut niveau. Après une intro brûlante sur laquelle le guitariste enchaîne le jeu en octaves on entend Tony dire « Take It George ». Le guitariste improvise à la fin un solo chanté et joué. Sur cet album le chanteur invite deux autres immenses artistes Dexter Gordon et Dizzy Gillespie.

Amoureux des standards, le chanteur rendra hommage aussi à Billie Holiday en 1997. Avec un orchestre à cordes, sa voix qui n’a rien perdu de sa superbe nous transporte dans le temps pour nous faire revivre l’esprit de cette chanteuse dont la voix portait les stigmates d’une vie si complexe.

Un autre album important selon moi est celui de 2001 « Tony Bennet And Friends: Bennett Sings The Blues ». Dès les premières secondes Tony nous emmène avec lui sur les chemins du Swing sur lesquelles le Blues nous prend aux tripes. Avec Diana Krall, ils introduisent cette session par « Alright, Okay, You Win ». Aimant l’échange le crooner invite d’autres grands artistes comme Stevie Wonder Ray Charles B.B. KING.

Avec Stevie c’est une évidence, le feeling la décontraction et la spontanéité sont là. Après quelques notes à l’harmonica, Tony commence à chanter puis Stevie lance les notes à la voix.

B.B lui lance des notes de guitare en bends avant que la voix du grand Tony ne rentre. B.B King a cette voix rauque où l’on entend les écorchures.

Tony Bennett montre que le jazz et le Blues se font autour de l’échange et du dialogue. Avec Ray Charles, le tempo est tranquille le piano est dans le Blues et les chanteurs illustrent cette complicité.

En 2004, il enregistrera avec sa voix chaude et crépitante « The Art Of Romance ». Un orchestre à cordes est présent selon les pistes.

Une dizaine d’années après, le pianiste Bill Charlap et son trio l’accompagnent sur les reprises de Jérome Kern. La version de « I Won’t Dance » est succulente.

Tout au long de sa vie et en dépit de sa grande discographie en leader, le chanteur n’aura cessé d’inviter une multitude de grands chanteurs et musiciens. Même dans ces dernières années il réalisera « Duet » en 2006 et « Duet II » quelques années après. Dans cette période, la version de « Body And Soul » en duo avec Amy Winehouse est un grand moment d’interprétation. Le crooner aimait le dialogue, il aimait nouer des complicités avec d’autres belles voix. Tony Bennett est parti hier le 21 juillet en laissant derrière lui des interprétations qui ont une empreinte immense sur le Jazz Vocal et au delà.

Il a été pendant ces décennies un gardien, un conservateur des grandes mélodies et de swing qu’il a entretenu tout au long de sa longue carrière.

Je vous laisse avec la version de « You Must Believe In Spring » en compagnie de Bill Evans puis avec celle de « Cheek To Cheek » de 1987 avec George Benson.

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