Elle incarnait l’Avant Garde du Jazz orchestral.
Entre arrangements innovants et explorations harmoniques sans fin, Carla Bley était une aventurière de l’arrangement de la conduction d’orchestres et de la composition.
Cette grande dame nous a quittés à l’âge de 87 ans. Son mari Steve Swallow grand bassiste a diffusé l’information.
Elle s’était imposée dans le milieu du Jazz comme une une grande cheffe d’orchestre.
On pourrait citer « Escalator Over The Hill » datant de 1971, qui est une oeuvre particulière, une sorte d’opéra Jazz où les personnages sont accompagnés d’un orchestre qui va et vient dans l’histoire de cette musique, en proposant des séquences de Jazz classique et du Free.
Les parties chantées sont parfois ésotériques et spirituelles et souvent pleines de loufoqueries et d’excentrisme. Cette oeuvre de 1971 est pleine d’inattendus et de folie.
Gato Barbieri l’Argentin consume le saxophone. Sur « Eoth » on y entend des riffs puissants joués à la guitare.
Le morceau « Businessman » sonne très Rock lui aussi.
Ayant été l’épouse de Paul Bley, elle fut influencée par les conceptions harmoniques du pianiste. Le grand ensemble dont elle s’entoure est composé de grands musiciens comme Charlie Haden, John McLaughlin, Paul Motian ou encore Michael Mantler. Les dissonances accentuent l’impression de mystère. La musique de ce disque s’apparente plus à des mouvements que des thèmes mélodiques.
En 1974 « Tropic Appettites » est un prolongement de l’album « Escalator Over The Hill ». La voix et les arrangements nous laissent entendre des éléments Folk et moins Rock.
Elle écrira les arrangements de Charlie Haden pour le Libération Music Orchestra.
En 1977, l’orientation musicale de “Dinner Music” fait penser plus à la Soul et au groove.
Parmi une dizaine de musiciens, Carla s’entoure ici de Cornell Dupree Eric Gale et Steve Gadd. Le trombone ronronne sur « Song Sung Long ». Le morceau « Dinning Alone » est plus smooth. Romantisme et sensualité sur « Ida Lupino ».
Après une introduction Blues, le rythme devient Groovy Funk au cours de « Sing Me Softry Of The Blues ». Les nappes de l’orgue Hammond apportent de la chaleur.
Le disque de 1979 « Musique Mécanique » démarre dans un élan d’espérance par « 440 ».
Le côté mélodique est plus présent. La musique est plus lyrique moins déstructurée que ce qu’elle jouait au début des années 70, même si on entend des éléments très modernes mélangés à du classicisme présent sur le titre éponyme « Musique Mécanique I ».
La pianiste arrangeuse publie « Social Studies » en 1981 où l’on entend des morceaux plus mélodiques.
Le morceau « Copyright Royalties » naviguant entre Jazz Ellingtonien et Jazz moderne illustre le fait que Carla Bley pouvait confectionner de nombreuses ambiances. Le sax ténor qui joue sur cette session a un son qui me fait penser à Ernie Watts. « Valse Sinistre » est un morceau aux couleurs de musique classique. La batterie bat ensuite le trois temps.
Le bassiste Steve Swallow joue un solo qui introduit « The Floater ».
À partir des années 80, la chef d’orchestre prendra un virage plus Jazz Rock avec des accents smooth. En 1984 elle enregistre « Heavy Heart » un disque aux morceaux dynamiques.
Elle réalisera le magnifique « Sextet » en 1986 en compagnie de Steve Swallow, Don Alias, Larry Willis, Victor Lewis et Hiram Bullock.
Le morceau « More Brahms » a un côté sensuel et Smoothy. Le thème joué à la guitare a des accents de nostalgie comme « Houses And People », ou le morceau « Lawns », une très séduisante ballade.
Dans les années 90 elle produira des albums en Big Band comme le très intéressant « Big Band Theory ». La composition « Birds Of Paradise » chante le courage et l’espoir à l’image du solo de trombone. Les nappes de cuivres installent une profondeur grandiose.
« Fresh Impression » est aussi un très beau moment, émaillé par une trompette qui prend son envol.
Plus tard dans les années 2000, Carla Bley sortira « Looking For America » une suite inspirée de son pays les États Unis le gouvernement la politique
Les voiles des saxophones trompettes trombone et cor, provoquent une belle émotion. Le thème « God Mother » émouvant précède « Old McDonald Had A Farm. On y entend une musique Funky sur laquelle on peut danser aisément.
En 2004, la pianiste sort “The Lost Chords Find Paolo Fresu” un Jazz cool servi par le saxophoniste Andy Sheppard et Paolo Fresu.
Parmi les collaborations, on pourra écouter les conversations intimistes avec son second mari Steve Swallow et leur disque « Duets ».
La basse enveloppe ce piano dont le toucher est finalement très classique.
Écoutez « Remember » un thème en trois temps « Up And Down » ainsi que le tango « Reactionary Tango ». Le toucher du piano me rappelle par moments celui de Monk alors que la basse est très enrobante comme si le duo musical traduisait le duo dans la vie.
Entre les projets en grand orchestre ou ceux en petit combo, Carla Bley était toujours en quête de nouveaux paysages sonores. Est partie une grande dame du jazz qui a influencé de nombreux arrangeurs et chefs d’orchestre.