Youn Sun Nah a un lien très particulier, à la fois avec la France, mais aussi avec le Jazz. En 1995, elle s’installe chez nous pour étudier le Jazz et le Chant. Puis, forte d’un parcours reconnu dans le jazz français, elle nous quitte pour l’Allemagne afin de travailler avec le label ACT.
Comme un ami quitté, on aurait pu lui en vouloir, mais la qualité de ses albums de la décennie 2010 nous a fait tout pardonner.
De même, on pourrait se demander si elle ne s’est pas trop éloignée du Jazz au cours de ces dernières années.
Là encore, nous devons réfréner notre désir égoïste de l’entendre interpréter en boucle le Real Book.
Youn Sun Nah a su développer son oeuvre avec une intelligence remarquable et une sensibilité qui seule permet aux artistes visionnaires d’influer véritablement sur leur art.
Avec son dernier album “Elles”, sorti le 26 janvier chez Nplug/Warner, elle ouvre un nouveau chapitre. L’objectif de ce projet est aussi clair que la voix de l’artiste : elle rend hommage à de grandes consoeurs. Bjork, Roberta Flack, Edith Piaf, etc, je vous laisse découvrir la tracklist car je ne veux me pencher que sur le titre d’introduction : “Feeling Good”.
Oser ouvrir un projet par un hommage à Nina Simone, avec un titre qui est parmi les plus emblématiques de son interprétation : c’est pour le moins courageux.
Pour beaucoup, “Feeling Good” est le titre allégorique de l’oeuvre de Nina Simone ; celui où elle expose le mieux toute la puissance et l’émotion écorchée de sa voix.
Eh bien, pas d’appréhension pour Youn Sun Nah : elle nous en propose sa relecture dans sa sonorité si spécifique. Pas de crainte face à l’ombre tutélaire, mais au contraire la joie de partager avec Nina et nous sa version tout aussi passionnante où l’émotion et le Beau priment.
Avec ce nouvel opus, l’évidence s’impose à tous ; même à ses quelques détracteurs s’il en reste : Youn Sun Nah est l’une des chanteuses parmi les plus innovantes de notre époque. Elle a déjà exploré de très nombreux univers : le Jazz, la Folk, le Rock, la musique traditionnelle coréenne, et l’on attend avec impatience qu’elle en étudie bien d’autres à l’avenir. De toute façon, pour nous, aujourd’hui, elle a créé son propre style de Jazz, et le “younsunnahisme” deviendra un adjectif précieux pour cette musique qui nous passionne tous.