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NOUVEAUTÉ ALBUM/ SYLVIE COURVOISIER/ CHIMAERA

C’est une musique résolument expérimentale que nous proposent la pianiste Sylvie Courvoisier et ses musiciens d’avant-garde, avec plus d’une heure de musique découpée en six longs morceaux. Nos oreilles sont soumises à des successions de rythmes et à des superpositions de sons, qui composent peu à peu une espèce d’être sonore onirique et étrange, inspiré nous a-t-on soufflé des peintures symbolistes d’Odilon Redon.

Un premier morceau « Le Pavot rouge » nous égare dans plus de vingt minutes d’improvisation : inhabituel et audacieux. Les musiciens nous plongent dans une discussion atonale et en apparence peu structurée. Il n’est ici jamais question de mélodie. A la frontière de la musique contemporaine, le pavot rouge propose une ambiance tantôt inquiète et tendue dominée par les trompettes et le piano, tantôt rêveuse et cotonneuse avec la discussion du vibraphone de Kenny Wollesen et d’une batterie très jazz.

La joubarbe aragnaineuse est une plante ultra résistante à la sécheresse dont les feuilles entrelacées de filaments blancs rappellent une toile d’araignée peut-on lire sur Wikipedia ; et dans cet album, c’est un morceau énigmatique et brumeux. Sylvie Courvoisier a-t-elle assidûment fréquenté le musée d’art brut de Lausanne ?  Ou s’agit-il d‘une réminiscence de longs hivers brumeux d’où n’émergent que rarement les sommets enneigés des Alpes, au loin de l’autre côté du lac ? Pures suppositions vaudoises… L’ambiance est lourde et on espère qu’aucun monstre ne va surgir pour nous engloutir.

« Partout des prunelles flamboient » nous prévient le troisième morceau. Il démarre avec une batterie rapidement rejointe par des effets électroniques de Fennesz, le piano de Sylvie Courvoisier et les trompettes de Wadada Leo Smith et de Nate Wooley. A écouter en compagnie de Lovecraft.

Vient ensuite « la chimère aux yeux verts ». Probablement un être aquatique si l’on se fie au début du morceau, ou bien un étrange insecte qui voltige frénétiquement avant de se poser plus calmement dans la deuxième partie…

Annâo nous guide dans un espace inconnu avant que la basse de Drew Gress ne nous ramène à des sonorités jazz plus familières, rejoint par la batterie, les trompettes et le piano.

L’album se conclut avec le titre « sabot de Venus ». Fait-on ici référence à une espèce d’orchidée ou à un gastéropode marin planctonique translucide ? Le va-et-vient musical permanent qui nous enveloppe me ferait plutôt pencher pour le second ; nous dérivons avec les musiciens dans une ambiance quasi organique.

C’est une trompette qui clôture cet album unique, dans un dernier souffle de plusieurs minutes, et nous laisse étourdis et un peu circonspects.

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