Une formation de très haut niveau joue sur ce disque de l’immense tromboniste Steve Turre.
Le tromboniste qui joue par ailleurs du coquillage et de la conque a toujours un phrasé net clair maîtrisé, à chaque solo qu’il prend.
Le titre qui ouvre cet album « Planting The Ceed » nous plonge dans une ambiance que McCoy Tyner affectionnait tant.
La contrebasse et le piano installent une tourne pendant plusieurs secondes, avant que la section cuivres présente ce thème latin aux accents Soul Jazz.
Les rythmes se brisent et créent la surprise.
Le saxophoniste ténor Emilio Modeste est le premier à se lancer dans l’aventure des solos dans des structures qui mélangent swing et rythmes binaires. Le leader au trombone joue beaucoup en usant des respirations et des notes d’appui, notes sur lesquelles il s’arrête en y incluant des accents de Blues. Aérien est Steve Turre, Wallace Roney Jr. l’est tout autant. Les phrases de trompette prennent un envol. Le passage de témoin entre elle et le piano est tout à fait croustillant. À la reprise du thème le batteur lance des interventions.
Pour poursuivre, le tromboniste signe une ballade dans l’esprit du Jazz des années 50 une mélodie romantique et émouvante en hommage à Duke Ellington. Sur « Dinner With Duke » les balais du batteur rebondissent sur les peaux de la caisse claire. Le pianiste Isaiah Thompson effleure les touches, le trombone et la trompette dialoguent en toute intimité jusqu’à ce que Corcoran Holt fasse pleurer sa contrebasse à l’aide de l’archet
« Blue Smoke » aux allures de blues ne serait il pas un clind’oeil à « Sandu » de Clifford Brown? Les interventions de cuivres sont délicieuses avec un swing qui clinque.
Le standard « Smoke Gets In Your Eyes » composé par Jérome Kern est repris en rythme latin. Le tromboniste interprète avec beaucoup de chaleur ce joli standard avec des notes claires et enveloppantes.
Steve Turre aime diversifier les ambiances comme on l’entend sur « Don D » et son rythme Reggae. Le clavier éléctrique apporter de la profondeur.
Les arrangements de riffs sont clairs et précis. La trompette de Wallace Roney a de nombreux accents Bluesy. La guitare très roots sonne bien dans ce style.
Le groupe reprend « Pharoah’s Dance » thème de Miles sur « Bitches Brew ». Si l’original est un morceau de Fusion le tromboniste rend ici un arrangement tout à fait intéressant. Le pianiste qui joue sur la session envoie des flots absolument hallucinants et sort même des intonations Bluesy. La mise en place des riffs de cuivres à partir de 6’36, donne du panache au thème de fin.
« Flower Power » est une mélodie qui souligne une insouciance qu’on aimerait voir revenir plus souvent. La partie de basse et les accords de piano installent une ambiance onirique sur un rythme binaire ternaire durant lequel le trombone est suave.
« Good People » est une mélodie enchantée jouée par les cuivres avec délectation et bonheur.
Trompette et trombone avancent avec douceur. Le pianiste caresse les touches.
Le trompettiste Wallace Roney Jr joue un magnifique solo qui perpétue l’apaisement.
Le saxophoniste ténor entame son improvisation par un motif qui ressemble aux premieres notes de « Misty ».
Le morceau final démarre par un climat Hard Bop à la John Coltrane. Le thème est un motif qui se déroule sur quatre mesures.
Sur la première partie la basse du piano puissante lance les solistes le trombone la trompette. Le pianiste nous propose dans son improvisation une panoplie d’éléments qui nous rappellent les pianistes importants du Hard Bop.
« Generations » est un nom bien choisi par le tromboniste qui depuis quelques années intègre la fine fleur du Jazz Américain.
Les touches latines sont nombreuses dans la musique de Steve Turre, un Hard Bop énergique ravivant la flamme de Coltrane par moments et évoquant d’autres immenses musiciens comme les Messengers Art Blakey And The Jazz Messengers ou Horace Silver.
« Generations » publié chez Smoke Sessions Records est un grand disque de cette fin d’année 2022, dont le tromboniste signe huit compositions originales, mélodieuses raffinées qui inspirent les solistes à merveille.