NIR FELDER/ II
A l’écoute des premières secondes de cet album, la sonorité et le style sont tout a fait intrigants. Le premier titre « The Longest Star » est comme une introduction pleine d’apaisement, dans une esthétique proche de celle de Bill Frisell. Les accords de guitare Folk et les notes de guitare électrique ouvrent vers de nouveaux horizons. Le son cristallin de la guitare acoustique, les notes au son saturé de guitare électrique, les basses profondes évoquent l’espace. La sensation est celle de l’apesanteur. Le second morceau très incisif est dans un style Jazz Rock. Le son de guitare est lourd et puissant, l’ambiance est électrique. Le thème est difficile à saisir. Les accords de guitare acoustique à 2’01 sont assez Metheniens dans l’esprit. Le solo de guitare très aérien est joué avec une forte reverb. On retrouve d’ailleurs cet effet sonore chez beaucoup de guitaristes actuels. Le batteur a un jeu tres dynamique et très varié. Sur « Fire in August » le guitariste est toujours dans cet esprit rock avec des powerchords qu’il agrémente de phrases cosmiques. Les accords egrenes sont comme des implosion sonores. Avec seulement deux accords, Nir Felder joue quelques notes, puis respire. Le jeu est subtile aéré. Au fil du morceau la tension monte, quand les accords sont plaqués avec force la batterie l’appuie avec une grosse frappe. Le solo de basse est lui aussi très aéré. Le calme revient a 4’47. La guitare prend un solo avec des phrases très personnelles et vers la fin les flots de notes sont d’une grande rapidité. « Coronation » commence avec une rythmique Folk sur laquelle se posent quelques notes. Après un solo de contrebasse plutôt calme, la guitare prend son envol dans un esprit blues, puis joue une séquence ponctuée d’accords. Au cours de la dernière minute, le guitariste fait pleurer son instrument dans une impro intense, avec de nombreux tirés de cordes. Les notes jouées à la fin sont très émouvantes et évoquent une certaine espérance. « Big Heat » contraste avec le titre précédent par le groove et la pêche qu’il insuffle. Le trio alterne entre tempo calme et tempo plus enflammé. La guitare part en impro, avec des flots de notes limpides, et une précision rythmique hallucinante. Le morceau revient à cette alternance entre groove binaire et rythme ternaire rapide. La batterie à la fin se déchaîne. Les motifs nerveux joués au clavier sur « Big Swim » nous plongent dans un univers inconnu. Le thème joué à la guitare électrique est soutenu par une guitare acoustique au rythme tenace. « War Theory » transcrit bien cette idée du chaos de l’incertitude. Les accords plaqués amènent un climat sombre proche du désespoir. L’arpège rapide symbolise le sursaut. A 2’47 un riff nerveux s’installe et donne à la batterie l’intensité du groove. Le projet du guitariste nous fait rentrer dans un univers sonore hors du commun. Les solos sont d’une énergie incroyable, mêlant passages blues et phrases très jazz avec beaucoup de chromatismes. Ce guitariste est un innovateur sur le plan de la composition et de l’improvisation. Son approche très personnelle surprendra beaucoup d’auditeurs, qui écouteront cet enregistrement avec grand intérêt.