Après un album en solo en 2023 qui était une sorte d’introspection, le pianiste Kenny Barron revient avec un projet intitulé “Beyond This Place”. Il est entouré d’Immanuel Wilkins et de ses compagnons depuis quelque temps Jonathan Blake et Kiyoshi Kitagawa. Le vibraphoniste Steve Nelson joue sur la plupart des morceaux.
Ce nouvel opus s’ouvre par la ballade “The Nearness Of You”. Elle est servie à merveille par une sonorité crépitante à l’alto. Immanuel Wilkins interprète la mélodie avec beaucoup de douceur et de poésie, ses notes ses errances ses pointes de Blues sont grandioses.
La batterie et la contrebasse sont d’une grande légèreté, le piano lui aussi va en douceur.
Le second morceau “Scratch” commence sur les chapeaux de roue avec une ligne de contrebasse et une conduite de batterie qui vont à toute allure.Il avait déjà été enregistré par Kenny sur l’album du même nom. Il est âpre, rugueux, complexe voire Monkien dans l’esthétique avec de nombreuses dissonances. Sur un tempo up introduit par la contrebasse et la batterie, le piano, le vibraphone et le saxophone présentent le thème. Le Jazz n’est pas mélodique mais plus technique.
Accompagné par une rythmique très présente et qui varie sans cesse son jeu, l’alto s’enflamme suivi du vibraphone qui explore des chemins Be-Bop avec un penchant pour le Free. Au piano, Kenny joue aussi sur quelques dissonances.
“Innocence” est un thème empreint de lyrisme exprimant à la fois espoir et gravité. Sur des arpèges de piano joués avec sensibilité, la mélodie est très touchante. L’alto part dans une improvisation qui commence tranquillement et monte en intensité.
Vibraphone a un phrasé empreint de sensibilité tandis que le piano cherche des chemins tortueux mais intéressants.
Le quatrième morceau du disque est un Blues dont l’alto joue le thème. Le vibraphoniste Steve Nelson fait claquer ses lamelles pour faire sonner des phrases cool. Immanuel Wilkins joue parfois out et montre ainsi sa maîtrise de l’harmonie. Tel un grand sage, Kenny Barron joue un solo dans lequel les respirations sont nombreuses. Le contrebassiste lance des notes de velours avant que le thème ne soit repris.
Le Swing énergique sur “Tragic Magic” sert cette superbe mélodie qui donne l’impression d’écouter un standard. La mélodie sur trente deux mesures, crée l’émulation chez les musiciens et notamment chez le saxophoniste qui part de suite dans des phrases punchy en s’enflammant au fur et à mesure du solo. Le vibraphone de Steve Nelson très fluide passe le relais au pianiste qui est toujours aussi captivant. Kenny Barron se renouvelle, explore de nouvelles directions. Jonathan Blake a une frappe légère malgré la dynamique.
Le morceau éponyme est une ballade qui inspire la sérénité. Le thème est joué par l’alto et le vibraphone. Le souffle du saxophone est léger.
Le pianiste reprend un autre standard “Softy As In A Morning Sunrise” dont une version historique est celle de John Coltrane au Village Vanguard en 1961. Le pianiste en trio déroule des phrases sur un tempo rapide en toute décontraction.
“Sunset” est une composition qui mêle l’étrange et la torpeur. Autour d’une ligne de basse et des accords de piano, le saxophoniste expose le thème qui s’étire.
Le vibraphone magnifique sort le premier pour une improvisation dans un climat de calme. Il trouve des sonorités Bluesy grandioses.
Le sax avec une sonorité magnifique va chercher des aigues donne le sentiment de faire pleurer le saxophone. Enfin, les doigts de Kenny caressent les touches qui sonnent un peu métallique. Autour de la partie de contrebasse et de piano, le thème magnifique revient.
En conclusion, on reste sur des notes optimistes en compagnie du thème “We See” joué par le piano et le saxophone. Les croches swinguent bien tout au long de ce thème, dont la structure est de trente deux mesures. L’alto est souple, il sort des phrases joyeuses aérées et puis s’oriente un peu plus vers des passages techniques. Kenny Barron jongle entre accords et notes simples et ne perd rien du swing.
Le pianiste est vraiment Monkien, pas de hasard, Thelonious est un de ses grands maîtres. Dans plusieurs solos il est presque Free et j’entends dans cet album des sonorités que je n’ai pas entendues par le passé.
La présence d’Immanuel Wilkins amène de la fougue, le vibraphone de Steve Nelson joue Be-Bop mais avec douceur et Kenny Barron trouve encore des chemins nouveaux dans les improvisations.