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NOUVEAUTÉ ALBUM/ JOHN ZORN/ FULL PHATOM FIVE/ HOMENAJE A REMEDIOS VARO

Le saxophoniste new-yorkais est réputé pour avoir écrit un très grand volume de compositions concernant des thématiques aussi diverses que variées.
Vous n’entendrez pas de saxophone John Zorn sur les deux disques que je vous présente. C’est le John Zorn compositeur qui nous intéresse celui qui laisse jouer les musiciens de la scène new-yorkaise. Le disque « Full Phatom Five » est inspiré de William Shakespeare.
Dès les premiers instants de « Where The Wild Thymes Blows », le climat s’installe, le son du guitariste Julian Lage soyeux et cristallin est la continuation de celui de Marc Ribot. Le toucher fait penser à Bill Frisell, un son roots Blues et Country qui ne fait pas l’objet de transformations.
Le piano de Brian Marsella se lance dans des arpèges lumineux avant que la guitare ne vienne à sa rencontre. L’arpège est lyrique, les improvisations ont leur part de mystère.
Le second morceau « I Cried To Dream Again » reste lui aussi dans ce sillage mystérieux. La mélodie est parsemée de quelques dissonances mais l’émotion qui ressort du guitariste et du pianiste sont intenses. J’aime cette rencontre à 5’10, lorsque Julian Lage sort des notes Blues que le pianiste enrobe d’un accord magnifique.
La troisième composition « Behold The Night Of Our Solemnities » est plus nerveuse.
Si la batterie appuie le rythme binaire, la contrebasse joue des notes puissantes et en solo la guitare et le piano se lancent dans des improvisations toujours originales.
« My Trouble Dreams » est introduit par une guitare qui joue des arpèges sombres avant que le piano ne vienne tisser un accord indiquant une trajectoire plus optimiste. Les notes aiguës de la guitare laissent la place au piano aux notes émouvantes et fragiles. Jorge Roder le contrebassiste prend un solo dans un registre intime. La séquence sombre et mystérieuse repart ensuite comme si le temps se troublait ou se suspendait.
Le piano introduit la composition suivante « Phantasma », par des arpèges qui font penser plus à de la musique classique. La rythmique rentre sur un accord mineur où l’on entend une descente chromatique interne. La guitare superpose un arpège puis le tempo devient plus rapide. La guitare s’envole littéralement à 3’20 pour une phrase magnifique. Les superpositions d’arpèges captivent.
Après une introduction de guitare, Julian Lage expose le thème « The Shadow Of A Dream » avant de partir dans un solo qu’il ponctue de doubles notes. Les balais de Ches Smith sont fins et délicats, la contrebasse en velours. Cette dernière livre une improvisation en sobriété tout comme le batteur prend un solo discret sur la tourne de guitare et de piano.
La dernière composition « Swift As A Shadow » traduit elle aussi le doute, le songe.
Le romantisme s’installe au fil du morceau, lorsque le pianiste commence l’aventure du solo par un des notes légères.
La guitare envoie des notes plus toniques pour un solo qui captive.
John Zorn n’en finit pas de nous étonner par ses compositions au cours desquelles les climats sont nombreux et variés. Les instrumentistes sont de parfaits interprètes pour cette musique pleine de surprises mêlant mystère et romantisme.

Le saxophoniste toujours aussi prolifique écrit une suite inspirée de la peintre Espagnole Remedios Varo.
Le dynamisme est au rendez vous dès le titre d’ouverture « Blue Equinox », où la couleur du Blues est au service d’arpèges éclatants. L’énergie de ce morceau est très Folk poussée par la contrebasse et le batteur.
Après quelques accords plaqués, la guitare très sensible se détache sur le morceau « Somnambula ».
« The Three Wands » démarre par un rythme groove pour se poursuivre sur un rythme binaire où la déconstruction se fait sentir. La guitare toujours très nuancée de Julian Lage introduit la composition « Nocturnals ». Les trajectoires chez ce guitariste sont toujours étonnantes.
Le quartet part dans un swing puissant sur le morceau « The Week With Nine Mondays » au cours duquel Julian Lage s’illustre à nouveau par sa technique et son inventivité, comme le pianiste Brian Marsella déroule un solo qui impressionne sur ce tempo up.
La sensation d’apesanteur règne au cours du morceau « A Wilderness Of Mirrors » où le lyrisme est partagé par la guitare et le piano qui tous deux jouent avec tendresse, rejoints par une contrebasse qui fait frissonner.
Les quatre musiciens sont maitres de la nuance et lorsque j’écoute « Emerging Light », je suis aussitôt captivé par l’intensité de l’arpège de piano et l’alliance avec la guitare. Le sentiment d’espoir ressort de ce morceau.
Les couleurs que propose le compositeur et ses interprètes sont d’une variété qui impressionne.
La guitare s’envole tandis que le piano apaise au cours de « A Luminous Parable Of Indeterminate Import ».
Le morceau final « Patience » est d’une grande douceur, tant les arpèges de piano nous emportent vers un univers onirique que la guitare orne simplement de quelques accords. En improvisation le son de Julian Lage sans artifices nous touche en plein coeur. Brian Marsella joue lui aussi en douceur cette mélodie qui nous émeut. Le dialogue entre le piano et la guitare est un mariage sonore de grande qualité.
Les compositions de cet hommage illustrent l’éclectisme de ce saxophoniste assoiffé d’horizons sonores toujours différents. Hors normes sur le plan de l’écriture, il tente des projets toujours aussi étonnants.

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