Si l’élégance vocale devait être illustrée par une artiste, Sandy Patton en serait un modèle. Cette chanteuse est venue nous enchanter hier au Rouge, club Marseillais bien connu des amateurs de Jazz. Accompagnée d’un trio comprenant Norbert Grisot au piano, @Hubert Rousselet à la contrebasse et Gilles Alamel à la batterie, cette Jazzwoman a rendu hommage à deux de ses héroines, Nina Simone et Shirley Horn.
Ses trois sidemen introduisent la soirée par « Who Cares », une très jolie mélodie signée George Gershwin. Ils nous emmènent sur les chemins du swing, que Sandy emprunte dès qu’elle rejoint son trio pour le second morceau, intitulé « Love Me Or Leave Me ».
La machine à swing fonctionne à merveille, les voicings de piano s’intercalent entre les notes rondes de la contrebasse et le drive de batterie tout en finesse.
La chanteuse scatte à merveille avec en fond la rythmique qui maintient cette pulse intense. Les mots, Sandy les fait rebondir avec souplesse et classe, en maintenant le souffle du swing.
Elle nous livre ensuite une version de « Feelin Good », illustrant l’approche sensuelle empreinte de Soul et de Blues.
Avec une tendresse particulière, la chanteuse entonne « Lilac Wine » et l’interprète en toute sobriété sans jamais tomber dans la démonstration et au contraire en essayant de garder la spontanéité.
Le titre suivant est connu de tous, même des néophytes. Sandy entonne « My Baby Just Cares For Me », un titre enchanteur lumineux. Les balais de Gilles Alamel collent au plus près de ce qu’est la version originale, tandis que le pianiste joue en simplicité en restant fidèle lui aussi à la version de Nina.
La contrebasse suivie des voicings de piano puis du jeu de batterie s’immiscent lentement pour faire éclore un groove sensuel. « Four Women » est interprété avec grâce et poésie, la réharmonisation fait penser à un Blues mineur. La voix sur ces très beaux accords génère une grande émotion comme le piano qui part en phrases d’une grande sensibilité dignes de Bill Evans.
Après une pause de quelques instants, le second set démarre par une version medium swing de « You Go To My Head ». Les notes rondes de contrebasse avec en fond un batteur qui est toujours à l’écoute, sont une belle introduction pour nous remettre dans l’ambiance du scat et du swing.
La reprise s’effectue par « Lover Come Back To Me » et son rythme ternaire à partir duquel la chanteuse s’envole comme ses musiciens. Le pianiste joue ses improvisations en gardant toujours le sens de la mélodie comme la contrebasse. J’aime beaucoup l’accentuation du second temps à la batterie.
La chanteuse nous invite en voyage lorsqu’elle reprend « Estate » dans un style proche de celui de Shirley Horn. Sandy nous émeut par la finesse de son interprétation servie à merveille par les musiciens qui ont eu aussi une grande sensibilité.
On repart dans le swing en compagnie de la chanteuse qui reprend « You Stepped Out Of A Dream ». Cette interprétation se conclut par des improvisations de quatre mesures par chaque instrument à tour de rôle, entre la batterie, la chanteuse, le piano et la contrebasse.
Sandy Patton déclame une chanson d’amour intitulée « Here’s To Life », un morceau des plus doux traduisant l’espérance.
La chanson suivante est un hymne au groove à la Soul construite sur une harmonie Bluesy. « Forget Me » me rappelle l’harmonie de « Summertime ».
Le pianiste lance des voicings bien placés soutenus par une batterie qui joue avec retenue afin de sublimer le style de la chanteuse.
Pour terminer, la chanteuse reprend « A Song For You » un morceau de Donny Hathaway. La mélancolie et le regret se ressentent sur ce morceau qui ressemble par moments à un thème de Gospel.
Cette grande dame du Jazz qu’est Sandy Patton, m’a surpris par sa maîtrise des nuances qu’elle met au profit de l’interprétation des thèmes. Son aisance est telle, qu’elle s’extrait très rapidement de la mélodie tout en restant fidèle à son esprit. Humble et raffinée avec un swing bien ancré, Sandy Patton a montré qu’elle était une grande vocaliste, sans le besoin de vouloir impressionner l’auditoire, sans avoir à prouver quoi que ce soit.
Ancrée dans la tradition et l’histoire, Sandy Patton qui chanta notamment aux côtés de Lionel Hampton, des trompettistes Clark Terry ou Harry « Sweets » Edison, nous a ému par ses interprétations subtiles du répertoire de deux immenses divas.
Club Le Rouge/ 20 Janvier 2024