La musique nous fait voyager souvent dans le temps et dans l’espace.
Lorsqu’on écoute l’univers sonore du groupe Jaleo, on peut dire qu’on passe d’horizons en horizons. L’Espagne et la région Andalouse, l’Afrique jusqu’au Moyen Orient souvent.
Assis sur son tabouret, Louis Winsberg introduit le concert par un florilège d’accords et d’arpèges dont lui seul a le secret, mariant sans cesse les accents du Flamenco aux couleurs Jazz, qu’on discerne bien chez certains voicings.
Les voix nous transportent et nous captivent comme si des âmes supérieures, une spiritualité étaient présentes.
Après une introduction faite d’accords et de renversements, Louis insuffle ce sentiment qu’il peut les décliner sans faire deux fois la même chose, tant son oreille est constamment en alerte et le degré d’interaction très pointu.
Sa guitare part dans des phrases à la fois lyriques respirant les senteurs orientales portées par le cajon d’Edouard Coquard et les notes de Cédric Baud au Saz instrument d’origine Turque.
Visuellement, il est très intéressant de voir Sabrina Romero déployer les mouvements élancés des danseuses Flamenco, on assiste à la grâce et l’élégance d’une artiste habitée par l’âme de cette musique.
Le guitariste caméléon et ses compagnons de route poursuivent sur une pièce en hommage à Paco de Lucia intitulée “For Paco”, qui est le nom du troisième album. Les six cordes résonnent au rythme de l’âme Arabo Andalouse et les voix nous donnent le sentiment d’élévation. A la guitare du leader, s’invitent les notes si particulières hors du commun de Cédric Baud qui est un véritable jongleur d’instruments à cordes.
La basse enveloppe les accords de guitare tandis que les percussions sont sobres. Sur un rythme en 12/8, les arpèges se posent les voix se déploient plus finement. La voix d’Alberto Garcia atteint une intensité comme si le chanteur voulait atteindre le guitariste Espagnol dans les étoiles.
Le groupe Jaleo parvient à réaliser ce que peu d’artistes arrivent à produire, une alchimie entre rythmes intenses et complexes, et mélodies qui font vibrer, bouger et surtout qui vous touchent.
“Sentimiento” est une chanson qui incite à bouger et dont la mélodie accroche l’oreille. La guitare soutenue par les cajon et la basse à huit cordes sont dans un groove en retrait mais la pulse est bien là. Le solo croisé sous forme de dialogue entre les cajon de Sabrina et celui d’Edouard est absolument grandiose !
Louis Winsberg et Cédric Baud entament par la suite un dialogue entre leurs instruments si particuliers un saz et un saz basse qui est une introduction au titre “Libertad”. Une lame de fond sonore se produit, tant le groove est brûlant.
Sur le plan des percussions et des cordes, les cinq musiciens sont en totale communion. Chaque phrase de guitare ou de saz s’imbrique à merveille aux claquements des percussions et aux élans vocaux.
Sur scène, Sabrina Romero se rapproche pour démarrer une chorégraphie typique de l’art Flamenco. Au fil des secondes, elle atteint un niveau de précision rythmique et esthétique incroyable. La puissance du rythme qu’elle crée avec les claquettes est spectaculaire, à laisser inertes les spectateurs. Le souffle qu’elle provoque est grandiose, magnifique et surtout émouvant en plus de son élégance sur la scène. La symbiose est parfaite entre le cajon d’Edouard Coquard et les percussions des talons de la danseuse.
Au cours du concert, les saz dialoguent une fois de plus et font naître un climat celui de l’espérance et des sonorités vraiment insolites au cours du morceau “Salsita”. Les notes des deux instruments se croisent, se touchent pour faire naître une mélodie, comme souvent nostalgique.
Suivent après ce dialogue, une ambiance sonore aux effets de reverb et des delay qui apportent de la profondeur. Louis Winsberg et Cédric Baud sont des chercheurs en quête de nouvelles sonorités d’accords de lignes de basse pas comme les autres.
La formation enchaîne sur un morceau écrit par Jean Christophe Maillard ancien membre de Jaleo, un moment où les percussions sont mises en avant.
Sur la chanson suivante, les sonorités étranges s’installent, le saz envoie des salves à la reverb intense. La chanteuse entonne le chant de “Que Mas”, soutenue par un rythme intense au cajon. Les deux voix s’étreignent puis les cordes jouent aux couleurs de l’Orient.
Alberto Garcia impressionne aussi par l’authenticité et la force vocale.
Louis Winsberg par ses approches chromatiques, déploie un solo d’une fluidité à couper le souffle, durant lequel le cajon rentre en action.
Dans un rythme toujours haletant, la concentration du groupe est au sommet afin que la flamme de la musique reste intacte.
De l’album “For Paco” une autre mélodie pleine d’énergie et d’espoir, “Viva Jerez” construite sur des cadences harmoniques originales et des motifs d’une grande densité.
Une fois de plus, le groupe transmet une euphorie, sa musique transmet cet état de bien être.
La salle du Salon de Musique est conquise, le groove de cette musique, l’expression du mouvement, des courants, tout est bien amené. Les arpèges du guitariste sont toujours surprenants, lui qui est capable d’aller dans n’importe quelle direction harmonique.
Revenant sur scène pour le rappel, il commence tout seul par une séquence d’accords de la chanson de Brassens “Je me suis fait tout petit”. L’ensemble interprète ensuite la composition “Se Apago De Una Estrella”, une mélodie groovy et nostalgique, avant de basculer sur le titre “Fénix”, une composition du premier disque sorti en 2001. Les nuances sont toujours au rendez-vous, entre percussions, cordes et voix.
Chacun des musiciens nous a fait vivre des moments, où sensibilité et énergie se conjuguent à la perfection.
La musique de Louis Winsberg est toujours un grand voyage à travers les contrées rythmiques et mélodiques, il nous emmène au gré des vents sonores vers des paysages riches en émotions. Le Jaleo c’est cet état d’esprit de bonheur et de joie, associé à la musique Arabo Andalouse, que le guitariste et ses compagnons parviennent à diffuser admirablement !