Le trio du pianiste Simon Bolzinger “Ritmos Queridos” invita vendredi 28 mars le saxophoniste Gilles Grivolla, à explorer avec lui les chemins sonores de l’Amérique du Sud.
Commençant par un thème de Chucho Valdes intitulé “Claudia”, le saxophoniste dès les premiers instants nous touche par ses notes au soprano aux accents orientaux.
La mélodie respire la nostalgie et en fond la rythmique se montre discrète et sobre. Les notes du contrebassiste Willy Quiko sont bien rondes, profondes et langoureuses, la batterie de Luca Scalambrino est douce et fine et les accords de piano s’immiscent en toute légèreté. Le soprano va chercher des notes poignantes. Simon joue un solo très sobre. Willy lui aussi est très mélodieux dans l’impro. La reprise du thème est magnifiée par le soprano et les différentes nuances de la section rythmique.
Chaque musicien honore la mélodie avant en allant puiser l’émotion pure.
Le quartet poursuit par un thème traditionnel de l’Uruguay intitulé “Milongon de la Mama Vieja” qui nous ferait presque esquisser quelques pas de danse. Le Milongo exprime la joie bien exprimée par la finesse du rythme. Le morceau instaure une ambiance cool.
Le saxophone ténor monte en intensité puis après une brève reprise de la mélodie, la contrebasse verse quelques sanglots à l’archet.
On reste dans le climat latin par un hommage à Dizzy Gillespie. Les trémolos de sax introduisent un des thèmes du trompettiste, “Tin Tin Deo”. Au piano, les phrases sont bien articulées et aérées ponctuées de quelques côtés Bluesy. Les notes à l’archet évoquent la fragilité.
Le groupe interprète une composition de Monk intitulée “Epistrophy” à la sauce groove.
A l’alto on s’envole rapidement, certaines phrases sont denses par les débits. Le pianiste aime ponctuer ses solos d’accords et Willy explore les aiguës avec son archet, pendant que le batteur fait toujours preuve de sobriété, en accompagnement et en solo, même si il maintient le groove.
La soirée s’enchaîne par une chanson Vénézuélienne intitulée “Como Llora Una Estrella” dont les notes de soprano nous enveloppent. J’entends les sentiments de regret et la sensation de blessure. On ressent ensuite un climat trouble et mystérieux, que le groupe diffuse. Le pianiste caresse les touches, les balais frétillent sur les fûts et la contrebasse tapisse de quelques notes énigmatiques. On est presque en Free Jazz, les instruments s’éloignent et se rapprochent. Le soprano navigue lui aussi entre motifs insolites avant que l’émotion ne revienne.
Très dansant et entraînant, est le morceau rapide en trois temps, “El Diablo Suelto” au coeur duquel, la contrebasse et les balais de batterie donnent l’impulsion par leur grande énergie.
Place ensuite au romantisme et cette introduction de “Dindi” assez originale, dont le contrebassiste eut cette idée de jouer à l’archet “Beau Soir” de Claude Debussy. Le ténor entonne la mélodie d’Antonio Carlos Jobim, un thème lumineux, optimiste. Je savoure toujours ce jeu de batterie léger et aéré qui est d’une grande finesse et ne couvre pas les solistes. J’aime le passage de relais entre le ténor et le piano. Avec son toucher élégant, le pianiste développe des phrases animées encore et toujours, par le sens mélodique. A l’archet ce ne sont que notes mélodieuses. “Dindi” se conclut par une tourne rythmique sur laquelle saxophone et contrebasse dialoguent.
La musique présente de nombreuses surprises sur le plan rythmique. Au cours du morceau suivant je prends conscience de l’interaction entre la rythmique et le saxophone ténor.
Le batteur aime varier
Le quartet reprend ensuite le morceau “Quitapesares”, une valse Venezuelienne construite sur un contraste entre séquences apaisées et rythmes entraînants. Le swing surgit alors, un de ces swings médiums qui envoûte. La mélodie alterne entre optimisme et lyrisme.
Poétique et hypnotique par moments est la mélodie “Maria Cervantès” au rythme syncopé et dansant. Les couleurs de la mélodie tournent autour de la nostalgie sur la première partie. Interprété d’abord au saxophone, le piano reprend. Plus joyeux est le second mouvement. Sur une tourne de piano en arpèges, le sax se lance dans un solo dont la sonorité m’évoque Ernie Watts.
Chaque musicien s’écoute, la rythmique espace le jeu, ne couvre pas les solos.
Vers la fin, le piano fixe une tourne autour de laquelle la batterie monte en intensité lors de son improvisation.
Pour finir ce concert, le quartet reprend “The Sidewinder”, un morceau de Soul Jazz écrit par Lee Morgan. Basé sur une grille de Blues, le trompettiste s’est amusé à à étirer la structure pour doubler le nombre de mesures ce qui donne une grille de vingt quatre mesures
Le solo de piano a des accents Bluesy tandis que le sax démarre par des motifs Out.
Sur ce Blues particulier, la contrebasse joue des glissandos solides.
Le groupe varie beaucoup les climats rythmiques et sonores, tantôt entre mélodies calmes et enveloppantes et thèmes entraînants. En proposant ses “Ritmos Queridos” et d’autres répertoires, le quartet livre une large palette d’émotions et de belles surprises.
Ce quartet composé de musiciens de grande classe fait preuve d’une grande subtilité et d’un grand sens de la nuance. La technique n’est pas recherchée, les musiciens jouent ce qu’ils ressentent et sont toujours animés par le sens de l’harmonie et du rythme.
Merci Messieurs, ainsi qu’à Denise Dalest d’avoir organisé ce concert dans ce lieu si charmant que sont des Jardins de la Clue.
