Le guitariste Américain a démarré une tournée au mois d’Octobre, tout seul accompagné de ses guitares et de quelques machines.
Après “Dream Box” en 2023 et “Moondial”, sortis récemment, Pat Metheny livre un concert où les mélodies sont magnifiées par ses accords grandioses et ses différents accordages. Comme le besoin d’être rassuré, ses instruments sont autour de lui, les guitares en corde nylon et en cordes en bronze, ainsi que la Barytone, qui lui permet de descendre dans des tessitures basses.
Je trouve toujours frissonnants, les premiers instants d’un concert lorsque l’artiste arrive s’installe et les applaudissements en accueil. Dans un silence quasi religieux et dans une salle éteinte totalement, mise à part la lumière qui plane sur l’artiste, le public entend dès les premières notes que Pat n’a rien perdu de son toucher si émouvant,qui me procure les mêmes impressions que lorsque je l’entendis sur le disque de 1994 où il jouait “Message To My Friend” avec John Scofield.
Penché sur la guitare il pince quelques notes irriguant rapidement l’harmonie pour des accords et voicings, il joue un medley de début des mélodies intemporelles qui nous plongent dans l’Amérique profonde, celle des espaces, des terres et des fermiers comme dans son Missouri natal. Sa région l’a inspiré pour ses thèmes d’une douceur et d’un romantisme que l’on ne retrouve pas souvent chez les artistes.
“Better Days Ahead”, le soleil Sud Américain, “Phase dance” et “Minuano” qu’il développe assez longtemps, autant de mélodies provenant du Pat Metheny Group dont il était un des architectes avec Lyle Mays. “James” écrit pour James Taylor repris seul, prend une dimension particulière. Le guitariste est non seulement précis mais son attaque des notes est toute en subtilité.
Arrive le thème de la musique du film “The Falcon And The Snowman”, co écrite avec David Bowie, l’émotion s’étend tant les arpèges de l’acoustique résonnent.
Alternant la basse et les accords, on entend bien cette musique exprimant l’urgence et la gravité.
Quelque chose de nouveau apparaît, c’est le dialogue avec le public, une approche presque pédagogique, durant laquelle il nous explique son rapport avec la guitare, les accordages et les différents modèles. Le Jazz, il le découvre lorsque son frère Mike lui passe un disque de Miles intitulé “Four And More”, disque où le trompettiste est entouré de Ron Carter, Tony Williams, Herbie Hancock et George Coleman.
Il parle de tout ce qu’il le nourrit, la Bossa le trio avec l’orgue et la batterie. Il écoute tout de la musique le Hard Rock, Chet Atkins et beaucoup d’autres styles.
Il se livre sur sa vie, la période avec Gary Burton dans les années 1970 et l’impact qu’a été la musique du vibraphoniste et de Keith Jarrett sur lui.
Il parle de son grand ami Charlie Haden et nous joue le magnifique disque “Beyond The Missouri Sky”, dont il nous décline quelques morceaux, seul avec sa guitare et rien d’autre, sans aucun effet électronique.
Pat démarre par ”Waltz For Ruth”, et parvient par la délicatesse du toucher, à transmettre le romantisme du contrebassiste. Sur“ Our Spanish Love Song”, les couleurs sont celles de la nostalgie et parfois même le guitariste laisse sortir des notes Blues.
La délicatesse des notes de guitare, leur sonorité, diffuse des sommets d’émotion au cours du thème “Cinema Paradisio” signé Ennio Morricone. Le guitariste Américain montre encore une fois son toucher et sa sensibilité inégalés sur les guitares acoustiques.
Sa faculté à nous transporter dans l’imaginaire est fascinante au cours de cet hommage à ce grand contrebassiste.
Des climats doux aux séquences d’accords tels des tourbillons, Pat captive nous emmène avec lui au royaume des émotions. Les accords qu’il plaque sont puissants et empreints d’une énergie incroyable qui me plongent dans l’univers d’un western.
Son immersion dans la Folk est magnifique c’est un acte d’amour pour ses racines.
Après une séquence Free difficilement écoutable c’est au tour de la Pikasso guitar d’apparaître. C’est toujours aussi grandiose d’entendre ces cascades de notes qui ont des sonorités Asiatiques.
Pat rend hommage à la guitare à ses guitares, celles qui l’accompagnent depuis tant d’années, il les met en scène.
J’ai été emporté également par la guitare électrique lorsqu’il a joué en s’aidant de loops d’accompagnement, la magnifique mélodie de Luiz Bonfa “Manha de Carnaval”. Il joue ensuite un Blues, où après avoir enregistré une ligne d’accompagnement, il est parti dans un solo aux glissés magnifiques qui l’emmènent vers des envolées.
Vient ensuite la surprise celle de l’Orchestrion, où les instruments sont commandés par électronique. En 2010 il avait réalisé ce projet, une machine proche de l’ogre de barbarie.
Il enregistre quelques accords aux guitares acoustiques et enregistre même une partie de basse électrique.
Les grands moments de fin du concert sont la reprise de ” Sueno Con Mexico”, cette composition de 1978 au cours de laquelle, l’arpège reste toujours le même tandis que la mélodie est jouée à la demi caisse.
Enfin au dernier rappel, son interprétation de la chanson “And I Love Her” est absolument renversante d’émotion. Le toucher mêlé aux accords et arpèges est pur.
Pat Metheny a joué près de 2h15 en retraçant son parcours, une sorte d’autobiographie musicale au cours de laquelle il a le besoin de se recentrer, d’être seul.
De la guitare acoustique à l’électrique, le voyage au cœur des grandes mélodies est exceptionnel.
En l’écoutant, je me replonge dans mes souvenirs d’adolescence lorsqu’en 1995 à l’Olympia, j’assiste pour la première fois à un concert du Pat Metheny Group.
Mercredi 06 novembre 2024, j’ai été touché comme au premier jour, par l’émotion qu’il provoque, simplement par une mélodie ou un accord. Seuls les grands artistes sont capables de créer ces sensations.