Dans le cadre du Festival de Jazz des Cinq Continents, le pianiste Français est venu hier soir à Allauch, nous jouer l’œuvre de Thelonious Monk, ce génie du Jazz qu’il aime depuis toujours, et à qui il a même consacré une biographie en 1995 considérée comme une référence.
En compagnie du contrebassiste Jérôme Regard et d’un nouveau batteur Raphaël Pannier venu rejoindre ce trio, Laurent de Wilde introduit ce concert, par un cycle rythmique et harmonique proche de classiques comme “Watermelon Man” ou “Cantaloupe Island” . Dans cet arrangement de “Misterioso”, les accords de piano fusionnent avec la frappe toute en finesse de la batterie et la ligne de contrebasse, pour nous emmener vers des sommets de groove. Laurent de Wilde développe des phrases Bluesy, agrémentées de connexions chromatiques propres au Be-Bop. Il navigue de motifs en motifs, sans déborder de technique, afin de rester toujours mélodieux.
Le contrebassiste donne le ton lui aussi par un solo percussif, au rythme groovy.
Le trio poursuit par le Blues en Si bémol “Thelonious”, au tempo Up. Le pianiste traduit bien l’esprit de Monk, en faisant ressortir les dissonances, si caractéristiques de son style. Dans le solo on entend les tensions mélodiques harmoniques et des voicings toujours bien placés.
Si le batteur fait preuve de nuances, il n’en reste pas moins énergique, lorsqu’il passe de la caisse claire aux toms.
Le pianiste reprend le jeu en accord et en fond, avance une walkin bass généreuse.
La soirée continue par une chanson d’amour que Thelonious avait écrit pour une jeune femme dont il était amoureux. Laurent De Wilde nous raconte qu’après avoir eu du mal à trouver un titre, le pianiste choisira “Monk’s Mood”.
En introduction, la contrebasse tient une seule et même note, la batterie est toute en retenue, les accords graves et romantiques à fois. Les glissés de contrebasse sont suaves, les accords profonds et la batterie scintille.
Les phrases au piano romantiques expriment le doute, le trouble, pour monter en intensité. Le son des accords est bien métallique,les harmonies bouillonnent.
Les trois musiciens diminuent progressivement le volume pour revenir à un climat plus apaisé, la note de contrebasse revient sans cesse. Quelques accords de piano lumineux surgissent à la fin de cette composition.
Le trio propose ensuite une version atypique et tout à fait originale de “Round Midnight”, toujours autour d’une ligne de contrebasse brûlante de groove et d’une batterie qui accentue tous les temps.
Le pianiste est toujours dans la finesse et
la subtilité malgré le dynamisme de l’interprétation. Les notes de piano sont caressées, puis le swing s’introduit, ponctué de variations rythmiques. Le morceau “Four In One” est très Bluesy, les glissés de contrebasse sont comme des miaulements, le son de Jérôme Regard est grandiose. Le morceau prend l’allure d’un tempo médium swing, puis devient Up. En solo, le jeu est dansant aéré, laisse bien la place à la contrebasse et à la batterie.
Le groupe reprend une autre composition emblématique, celle dédiée à Pannonica de Koenigswarter intitulée “Pannonica”.
Les balais sont doux, la contrebasse est ronde et le piano élégant. S’ensuit une séquence en piano solo aux accords émouvants, qui s’orientent vers le swing dans un esprit proche du Ragtime.
Le concert se termine par “Coming on The Hudson”, un morceau de plus qu’il a trituré en y rajoutant des accords.
Sur ce rythme entraînant, le pianiste part vers des tensions au milieu des harmonies. En solo, la contrebasse est une nouvelle fois captivante. Le pianiste alterne entre accords percutants et phrases aux débits intenses.
J’entends une interaction rythmique incroyable entre ces trois musiciens.
Les accords sont nerveux, les mises en place sont nombreuses, avant que le batteur ne parte dans un solo
En rappel, nous sommes invités à fredonner le thème “Friday The 13th”, un motif de quatre mesures seulement, à partir duquel le pianiste joue à fond le blues, où chaque note swingue.
Comme à chaque fois, Laurent De Wilde célèbre comme personne, l’univers harmonique du génie Thelonious. Aux Etats Unis, le pianiste qui interprétait le mieux Monk, était sans doute Chick Corea. En France, nous avons un magnifique serviteur de cette œuvre sacrée, au jeu délicat et élégant.
