Un quintet magnifique s’est présenté mercredi soir au Club 27. À l’initiative du pianiste Fred Drai, la venue d’un autre pianiste originaire de Belgique, Jérémy Dumont et de l’alto New Yorkais Godwin Louis a séduit le public.
Par des voicings lyriques, le pianiste introduit le thème d’ouverture sur un motif à trois notes, autour desquelles s’apposent différentes harmonies. Le souffle de la batterie et le grondement de la contrebasse créent un mouvement sonore un peu Free.
Dès les premières séquences, j’entends des musiciens qui interagissent sur l’instant.
Si des éléments mélodiques et harmoniques sont définis, la spontanéité est bien présente.
En solo, le pianiste déploie des notes et des accords magnifiques. Entouré d’une rythmique basse batterie qui monte en intensité le piano prend son envol.
En effet la frappe du batteur Harvel Nakundi est assez impressionnante, comme la variété de son jeu.
Le trompettiste part dans une improvisation aux chemins complexes.
En intro du second morceau, le batteur témoigne de son style sans doute inspiré par Elvin Jones. La mélodie jouée à la trompette et au saxophone fait ressortir une impression de noirceur.
Le sax alto, colosse au sens premier du terme, repousse les limites de son instrument par des explorations en termes de tessiture qui évoquent sans aucun doute les échappées Coltraniennes, mais aussi par la technique et les phrases qu’il ponctue d’un clin d’oeil à “Summertime”.
Couleur du Blues mineur pour les solos, Jérémy Dumont a un jeu très moderne par les voicings et le choix des intervalles à la McCoy Tyner.
Géraud Portal à la contrebasse introduit le titre “Lamot” (signé Godwin Louis), par des notes lourdes et rondes. Après ces motifs, le contrebassiste installe une ligne un peu sombre avant que les musiciens ne proposent des polyrythmies.
En mode latin ou swing, le trompettiste Jean Paul Estiévenart part dans une impro des plus entraînantes, aux rythmes calypso joués du batteur. L’écoute mutuelle de la rythmique et du sax atteint des sommets.
Godwin s’échappe vers des séquences insoupçonnées en y incluant même une référence à “Four”.
Le quintet reprend “Night In Tunisia” de Dizzy Gillespie, une des grandes compositions qui illustre les ponts existants entre Jazz et Latin. Comme souvent avec ce groupe, l’intensité monte d’un cran ; le batteur explosif emporte tout sur son passage pendant que Jean Paul Estiévenart se fraie des chemins dans le Be- Bop.
Le saxophoniste prend le relais en proposant des phrases plutôt calmes sur fond de walkin bass tranquille, avant que les flots de notes n’explosent. Au cours de cette version, le piano captive la salle en jouant toute une partie sans accompagnement. Les phrases fusent, les directions sont infinies.
Si Godwin Louis et Jérémy Dumont aiment le Jazz qui déménage, les deux musiciens ont interprété en toute sobriété une ballade de l’altiste intitulée “Deepless”.
Les arpèges et accords du piano nous conquièrent. La sonorité de l’alto nous touche par cette délicatesse qu’on attendait après les moments de grande énergie.
Autre moment calme à noter : l’avant-dernier morceau avant le rappel. Ce thème est d’abord calme, puis tout s’emballe lorsque le tourbillon sonore du batteur s’enclenche.
L’alto envoie des notes d’une puissance et d’une vélocité incroyables. Au piano Jérémy Dumont reprend tout seul avant que le thème des cuivres ne soit repris. Les deux voix trompette et sax alto sont magnifiques. L’alto repart dans un solo de quelques mesures, avant de laisser la place au trompettiste. Ce thème comporte quelques passages chromatiques tantôt ascendants tantôt descendants. Le batteur clôt ce morceau par une tornade sur ses fûts caisse claire cymbale.
Enfin pour terminer cette si belle soirée, le groupe nous propose un morceau romantique “Darn That Dream” de Jimmy Van Heusen. La trompette et le sax alto font honneur au romantisme de cette mélodie par des phrases apaisantes soutenues par une rythmique des plus fines au niveau des nuances.
Les envolées Bluesy du pianiste sont particulièrement appréciables les enchaînements d’accords grandioses.
Hier soir encore au Club 27, la venue de ce quintet réunissant des musiciens de grande qualité a été un grand moment. Ce qui définit ce concert est l’énergie immense du groupe, des compositions qui accrochent l’auditeur tout au long de la soirée.