Post Jazz

IMPRESSIONS CONCERT/ ADRIEN CHICOT QUINTET

Le quintet que j’ai vu vendredi soir au Club 27 – Marseille organisé par le Le Jam Hors Les Murs m’a captivé dès les premiers instants, quand la section rythmique, piano, batterie, contrebasse introduit la composition d’introduction aux couleurs Hard Bop.
Sur un trois temps au tempo médium, le pianiste Adrien Chicot irrigue l’espace sonore de quelques voicings bien placés. Joué à deux voix, le thème s’étire sur quarante huit mesures.
La mélodie me fait penser à une ambiance de film policier des années 70. Le premier soliste qui se lance est le trompettiste Julien Alour dans une impro où se mêlent fougue et finesse. Les phrases jouées en croches me font penser à Freddie Hubbard tant la technique est belle et la sonorité me semble proche de ce grand maître. Les phrases sont bien articulées et chantantes.
Au sax ténor, Ricardo Izquierdo est lui dans un style se rapprochant de Joe Henderson. Le solo aux notes ravageuses prend de l’ampleur par sa sonorité puissante. Au cours de certaines séquences, le saxophoniste peut rester plusieurs mesures sur une note.
La contrebasse rebondit par ses notes bien choisies et bien placées. Au fil du solo de ténor, elle et la batterie intensifient leurs interventions quand le soufflant s’enflamme. Le pianiste lui, prend un solo discret, même si les phrases s’apprécient par leur léger toucher.
Sur un second thème planant, l’envol des cuivres est tout simplement magnifique sur une métrique qui semble impaire.
On se retrouve plongés là encore dans un climat intriguant, où swing et rythme latin se combinent.
Le pianiste part dans des directions multiples inflexions bluesy, suite en voicings, flots intenses de notes. Des tensions se créent et rendent le solo palpitant. Si on entend quelques influences liées aux pianistes de l’ère Post Bop, l’histoire qu’il nous propose est captivante.
Vient ensuite le solo de Julien Alour dont les notes nous percutent.
Les articulations entre les notes, les directions, tout y est.
Sur le solo de sax, la batterie et la contrebasse s’enflamment à nouveau comme ils l’ont fait en ouverture.
En troisième plage, le pianiste nous amène aux frontières du Free. Les arpèges de piano créent une ambiance sombre. Dans ce climat déstructuré, la trompette et le saxophone se séparent sur le plan des voix, afin de donner l’impression d’une improvisation collective. Les tensions harmoniques, les dissonances du piano, les errances de la contrebasse la musique semble se créer dans l’instant en abstraction.
Le quintet rend hommage à l’immense Wayne Shorter en reprenant “This Is For Albert”. Ce géant était l’une des plus belles incarnations du Jazz Hard Bop de ces années 60 au cours desquelles florissent les séquences modales.
Si le tonal est encore présent dans les grilles, le modal prend de l’importance. Le saxophoniste est un rouleau compresseur, ses phrases sont destructrices, comme celles du trompettiste, impressionnantes par la justesse et la technique.
S’inscrivant dans un Jazz moderne, Adrien Chicot et ses partenaires en sont des héritiers magnifiques. Ils jouent dans la droite ligne de ce qu’ont apporté les innovateurs, Wayne Shorter en tête ou Joe Henderson.
Le quintet embraye ensuite par un morceau dans le même style, même si j’entends par moments quelques accents New Orleans.
Le saxophoniste ténor prend un solo des plus enflammés pendant plus de cinq minutes.
Adrien Chicot prend le relais par des phrases fluides, en toute sérénité. Toujours au cours de ce morceau, le batteur Antoine Paganotti s’illustre par un jeu subtil aux nombreuses nuances dont ses repères sont une ligne contrebasse piano jouée en boucle.
Une autre séquence qui m’a beaucoup plu se situe à la fin du concert, une ballade apaisante et épurée, jouée par la trompette et le saxophone
Pour conclure le concert, le quintet prend un thème aux allures Free et laisse Sylvain Romano livrer ses notes rondes, puissantes et bien graves. Mystère et noirceur sortent de cette contrebasse presque hypnotique.
Ce quintet de haut niveau nous a montré l’étendue de sa maîtrise, tant du point de vue rythmique que technique. Attaché à une certaine esthétique du thème, le pianiste et son groupe ont joué des compositions reflétant le Jazz acoustique des années 60, ce Jazz Hard Bop lié aux racines et tourné aussi vers des explorations harmoniques et rythmiques audacieuses.

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