Dans le cadre de notre présentation de quelques festivals d’été, nous vous proposons l’analyse et la vision des organisateurs.
Lundi 16 mai 2022, nous avons conversé avec Hugues Kieffer, Directeur du Festival de Jazz des Cinq Continents Marseille Jazz des cinq continents (FJ5C).
Si il est nommé directeur en 2015, celui-ci est présent depuis le début de l’aventure en 2000.
Jusque-là, aucun Festival de Jazz n’existait dans la Cité Phocéenne.
Il revient avec nous sur la naissance de ce projet et son évolution.
Créer un Festival et le faire évoluer « , c’est un travail du quotidien », ce sont ses propres mots.
Lors de la première édition, le nombre de spectateurs présent au Palais Lonchamp est aux alentours de 3500.
Les incertitudes, les doutes, rythment le quotidien pendant les premiers temps, puis le travail avec les différents acteurs s’accroît.
Hugues Kieffer insiste sur le fait que l’existence d’un festival et son évolution se font par « paliers ».
Le FJ5C a pris de l’ampleur grâce à un travail collectif des différentes institutions publiques, associations, musiciens, agents du spectacle.
Résultat des courses, le Festival est bien implanté dans la ville depuis plus de 20 ans, et ce avec le soutien des institutions locales.
Le Festival grossit et le tournant est pris en 2013, lorsque Marseille devient Capitale Européenne de la Culture, Marseille Provence Méditerranée.
À partir de cette période, les choses s’accélèrent. La toile du Jazz sur Marseille s’étend par la diversification des lieux de spectacle en 2015.
Les lieux où vous pouvez assister aux spectacles, sont le Théâtre Silvain, le Mucem (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditérranée).
S’ajoute à ces deux lieux, un site historique et splendide, celui de la Vieille Charité dans le quartier du panier.
Ce Festival est réalisé avant tout pour le public. Sans sa présence et sa fidélité, les spectacles ne peuvent avoir lieu.
La trajectoire du Festival est belle même, si le directeur estime que le travail est normal.
Culturellement, cette diversité des sites procure aux spectateurs des émotions et sensations différentes.
Le Festival s’attache aussi à conserver son esprit originel, ce dialogue entre le Jazz et les musiques des autres coins du monde dont il est issu.
Les gens qui viennent au Festival aiment le Jazz, mais cela touche plusieurs publics, par tranches d’âge, mais aussi par goûts et affinités comme les jeunes de 35 ans.
Le Festival des « Cinq Continents » défend l’idée de liens solides entre les styles musicaux dérivés du Jazz.
Hugues Kieffer souligne également l’importance du dynamisme de la scène jazz locale.
La relation avec le Conservatoire Pierre Barbizet est maintenant bien établie. Précisons que la classe de Jazz dans cette maison est la première à avoir été ouverte en France.
Son directeur Raphaël Imbert qui est egalement saxophoniste, était déjà présent en 2000 dès la première édition. Ce nouveau directeur organise des colloques, des Master-Class et fait souvent jouer ses élèves dans le cadre du Festival.
Les initiatives consistent aussi à ce que le jazz s’approche des quartiers qui ne peuvent y accéder, pour plusieurs raisons, comme le manque d’intérêt ou le coût trop élevé des places.
Le jazz ne passe pas sur les grandes ondes et les jeunes gens ne s’y intéressent pas ou peu.
Pour remédier à cela, les concerts sont gratuits.
Il existe même des expositions dans certains centres sociaux.
Le travail se fait également à partir de demandes d’écoles de la ville de Marseille. Le saxophoniste Fred Pichot part à la rencontre des élèves de certains établissements pour leur présenter un conte autour de l’écologie et du Jazz. Ce musicien fut déjà l’initiative des « Impatients du Jazz », un projet sensibilisant les personnes handicapées. L’expérience s’était déroulée en 2015 avec entre autres Erik Truffaz, Cyril Benhamou, au centre Valvert Hôpital Psychiatrique Marseillais.
Plusieurs fois au cours de l’entretien, Hugues Kieffer insiste sur l’importance de la co-construction avec les acteurs et sur le bon usage de l’argent public.
Les deniers publics doivent être utilisés pour mener des projets attrayants, comme l’éveil des enfants ou le partage de la flamme du Jazz dans les prisons.
En dehors du Festival qui a lieu en juillet, les artistes jouent dans des lieux de la Métropole et du Département.
Ce travail d’équipe avec des villes comme Istres ou Aubagne est très important.
Toujours dans cette perspective de projets, « on regarde les côuts, on structure et on trouve des moyens », auprès de ces collectivités territoriales d’autres partenaires, afin de trouver des actions supplémentaires à mener.
Des artistes qui ne sont pas programmés sur la scène du Festival jouent sur les scènes d’autres villes du département dans le cadre de concerts gratuits. Cette initiative commence d’ailleurs cette année.
Hugues Kieffer nous raconte quelques pépites, à travers une petite séquence rétrospective sur l’ensemble des années de Festival.
Il nous expose quelques souvenirs personnels de concerts exceptionnels.
Ahmad Jamal en 2012 était venu jouer à l’Opéra, le pianiste Cubain Omar Sosa l’ a subjugué. Il se souvient des concerts du trompettiste Ibrahim Maalouf et aussi des venues d’Erik Truffaz, personnalités qui accompagnent le Festival depuis le début.
L’évocation de Sonny Rollins en 2012 est un souvenir exceptionnel que nous partageons lors de l’échange.
Nous parlons du seul concert annulé pour cause de pluie, celui de Chick Corea en 2013.
Face au temps capricieux, il nous raconte que le saxophoniste Guillaume Perret prévu pour la première partie, joua à la Criée et que le pianiste Américain se rendit au sein du Théâtre pour voir son concert.
Marc Ribot guitariste atypique, fit un concert en solo au Musée Cantini en 2018.
Le saxophoniste Thomas de Pourquery diriga 100 musiciens et choristes sur les marches du Stade Vélodrome. Les répétitions étaient déjà grandioses, le concert fut d’une « puissance magnifique ».
Comme partenariat supplémentaire et pour illustrer le fait que l’équipe du Festival ne s’arrête pas d’organiser des projets, elle réalise au mois de juin avec la Bibliothèque de l’Alcazar, une exposition sur la Bande Dessinée et le Jazz.
Sans relâche, l’équipe du FJ5 recherche toujours des nouvelles idées, avec toujours à l’esprit, la construction de passerelles artistiques.
Remerciements à Hugues Kieffer pour sa disponibilité lors de l’entretien du 16 mai 2022.